Depuis trois semaines, Nabaya, grande métropole du sud du pays, est vent debout. Dans les rues, larges ou étroites, fendues de nids de poules, forces de l’ordre et jeunots en décousent à coups de grenades lacrymogènes, de matraques et de projectiles divers. Déjà, trois manifestations de grande ampleur ont perturbé les paisibles berges du Milo, plutôt habituées, en cette période, à la douceur de la brise vespérale. Quoi donc ? Comment de l’axe le mal s’est répandue à mille lieux, à Kankan, alors qu’on l’a hâtivement identifié comme communautaire, voire l’ADN de quelque communauté ? Pourquoi cette ire du populo au cœur du fief de l’alphagouvernance ? Comment le fief du RPC s’est-il perverti ? Ce n’est pas si compliqué. Le principe est bien connu. Même Toto le sait bien. « On peut tromper une partie du peuple tout le temps, tout le peuple une partie du temps, mais pas tout le peuple pendant tout le temps. »

On n’a pas dit toute la vérité à propos de l’électricité et de l’EDG. A Kankan-Nabaya comme sur l’Axe du Mal, le déficit d’électricité est le terreau de la violence. Les ténèbres sont devenues insupportables, invivables, inacceptables. Or, aussitôt les travaux du barrage de Kaléta entamés, les thuriféraires de l’alphagouvernance s’en sont allés répandre la bonne parole par monts et par vaux, à travers mangroves, bowé, prairies et sous-bois. Les ténèbres sont dorénavant vaincues, expurgées. Guinea is back with light. Nenni ! Le recours aux mini-centrales thermiques, aux centrales flottantes et aux panneaux solaires dont on a clamé bruyamment les mérites ne résout rien. Loin s’en faut ? Et voilà que le Chinois, messie du courant électrique, casse la pipe. Eh kélà ! Lumière où es-tu donc?

Fomi n’est encore que vue de l’esprit. Les guerriers de la savane, en particulier les impétueux danseurs du doundoumba, las d’attendre, s’impatientent et se fâchent. Et patatras ! Personne n’écoute plus personne. Les menaces des autorités politico-administratives et les incantations du Sôtikemo de Nabaya, deviennent inaudibles. Les cris d’orfraies gouvernementaux et erpégistes poussés de Conakry le sont encore davantage.

On infère de la récurrence des troubles de Kankan une leçon toute banale. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. A Kankan comme à N’Zérékoré et sur l’Axe du Mal, la violence ne naît pas ex-nihilo. Elle est portée par une agrégation de multiples privations et de frustrations. Le microcosme politique, prompt à trouver des explications simplistes, évoque fréquemment l’instrumentalisation de pauvres hères par l’adversaire. Mais peut-on instrumentaliser les foules sur le néant. Sûrement pas. Il faut bien que l’objet de l’instrumentalisation soit concret, visible, palpable. Il est impossible de mobiliser les gens autour d’un enjeu abstrait, fumeux, aux contours flous.

A dire vrai, pendant deux mandats, l’alpha gouvernance a érigé les promesses en programmes de société, qui malheureusement, l’ont rattrapée et assaillie. Il est impossible de trouver de bonnes solutions aux problèmes mal formulés. Le développement repose sur des principes et des pratiques avérés et non sur de sempiternelles agitations politiques. L’effet boomerang peut surprendre. Désagréablement.

KAD