Entre douleur, consternation et colère, j’ai décidé d’écrire aujourd’hui, de décrire, d’expliquer, les circonstances de l’assassinat de mon frère Alhassane Barry. Les grandes douleurs sont certes muettes, mais celle que j’exprime ici ne peut se réfugier dans un silence Monacal, au risque d’être complice.
Pour mémoire, la date du 20 juillet, était celle choisie par le Front national pour La défense de La constitution-FNDC, un mouvement de la société civile pour, encore une fois, manifester contre le projet de troisième mandat auquel le pouvoir de Conakry semble tenir énergiquement. Ceci, sacrifiant tout : honneur, dignité et êtres humains. Si la Guinée connaît des manifestations récurrentes, il faut le rappeler (s’il en était nécessaire), que chacune des manifestations, laisse derrière elle des familles endeuillées, des espoirs brisés, des cœurs en pleur, de la tristesse. Puisque, cela ne semble déranger personne de dénombrer le nombre de morts. La justice, fréquemment saisie, ne trouve rien à dire, puisque, oui, elle aussi, est aux ordres du pouvoir de Conakry.
La vérité d’abord sur la mort de mon jeune frère
Le Mardi 21 juillet 2020, mon jeune frère, Alhassane Barry, 18 ans, élève, candidat au BEPC, se faisait lâchement tuer par les forces de l’ordre guinéennes, sous les regards impuissants de son frère jumeau Alsény Barry. Qu’a-t- il fait? Qu’a-t-il demandé ? Rien. N’étant même pas sorti pour manifester, accompagné de son frère jumeau, il revenait d’une séance de révision préparatoire des examens du BEPEC, hélas la balle mortelle, cruelle et fatale est partie lui rendre visite. Elle l’a touché sur la tête. C’est sous l’œil impuissant de son frère jumeau, lui aussi candidat au BEPEC, qu’il a agonisé. Il perdait la vie, sa vie qu’il rêvait avec espoir, parti à la fleur de l’âge, mon frère, avait comme l’un des nombreux jeunes de son âge, trouvé refuge dans les études. Cette vérité, ils la connaissent tous, ces hauts cadres, mais l’étouffent, comme de nombreux cas, dans un but politique pour sauver un régime oppresseur. La vérité la voici, sincère, dépouillée de toute manipulation.
Quelques instants plus tard, comme à l’accoutumée, le gouvernement guinéen, à travers certains hauts cadres, notamment le ministre de la Sécurité, Damantang Albert Camara, et le Directeur de la Police judiciaire, Aboubacar Fabou Camara, ont vite réagi à cet assassinat. Oui, convenons-en, il n’y a pas un autre terme si faible pour désigner ce crime odieux. Pour expliquer les circonstances de cet assassinat disais-je, ces deux cadres se sont aussitôt fendus d’un communiqué, à la fois méprisant et honteux. Fabou, cet officier aux manœuvres sataniques, derrière des ordres injustes et odieux, a défendu avec ses termes d’une légèreté sans précédent, ce crime : «Alhassane Barry a été blessé par un projectile à la tête». Comme si cela ne suffisait pas, le ministre de la Sécurité, à son tour, de réagir : « C’est un jeune qui, semble-t-il, rentrait d’une séance de révision. Dans quelle circonstance a-t-il trouvé la mort ? Certains de l’opposition parlent d’un gendarme. J’aimerais savoir pourquoi et dans quelle circonstance un gendarme, hors du dispositif de sécurisation, peut se trouver à l’intérieur d’un quartier, sans aucune consigne, tirerait sur un jeune ? »
A bien des égards, vous l’aurez compris, toute l’inquiétude et la colère qui m’animent à écrire cette lettre, le citoyen que je suis n’a aucune confiance dans la justice guinéenne. Ce n’est pour personne un secret qu’elle ne dit pas la vérité, elle tranche pour la main qui donne, c’est à dire le gouvernement, voilà pourquoi j’interpelle les juridictions internationales, des pays qui ne laisseront pas de tels crimes se passer dans un pays ayant adhéré à des conventions internationales sans réagir. J’estime profondément comme Platon, que « Le plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute », je vous interpelle à ne pas laisser une partie de la terre sous la domination de l’injustice.
On ne peut prétendre diriger un pays en instaurant, non pas seulement le sentiment d’exclusion d’une partie du peuple, mais en mettant en place des méthodes cruelles d’extermination, puisque, oui, c’en est une. Ma famille, ainsi que toutes les autres familles victimes de votre régime sanguinaire, ont marre d’enterrer les leurs. Depuis l’avènement de ce régime, près de 300 personnes ont été assassinées dans les mêmes circonstances. En 2013, dans les mêmes circonstances, mon oncle a été assassiné, jusqu’où ces gens iront-ils ? Nous parlons quand même de personnes tuées? Je voudrais éviter de donner l’impression de colportage d’un éventuel complot contre X ou Y, mais quand c’est toujours les mêmes personnes qui meurent, aux mêmes endroits, et dans les mêmes circonstances, que voulez-vous qu’on dise? Posez-vous les bonnes questions ! En Guinée, les autorités créent les circonstances d’une paix difficile, le pouvoir est souillé d’une tache ineffaçable qui est le sang des innocents. L’histoire retiendra que c’est sous votre gouvernance que les crimes ont augmenté.
Nous nous battrons pour que justice soit faite. Nous n’allons rien lâcher.
Mamadou Lamarana Barry