Qui a tué Samuel Ajiekah Abuwe, communément appelé Samuel Wazizi ? À la veille d’une audience prévue ce mercredi au tribunal de Buéa, capitale de la région anglophone du Sud-Ouest du Cameroun, les avocats et la famille du journaliste sont toujours sans réponse sur les circonstances exactes ayant causé sa mort, quelques jours seulement après son arrestation le 02 août 2019. L’enquête publiée par RSF en juin dernier rapportait déjà des allégations de sévices corporels qui seraient à l’origine de sa mort, alors que le gouvernement affirme que Samuel Wazizi serait mort « des suites d’une sepsis sévère ».
L’absence d’enquête impartiale et indépendante a conduit RSF à saisir ce lundi 10 août trois Rapporteurs Spéciaux des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, la torture et la liberté d’expression, afin qu’ils fassent pression sur les autorités camerounaises pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire et que les responsables de la mort du journaliste soient identifiés précisément. Dans sa plainte, RSF fait part de ses doutes sur la légalité de l’arrestation du journaliste et sur la version officielle des événements. RSF souligne la possibilité que Samuel Wazizi soit mort des suites de tortures perpétrées par l’armée.
“Deux mois après la révélation de cette affaire, l’enquête indépendante et transparente promise par le président Paul Biya n’a toujours pas vu le jour. La version officielle du gouvernement est truffée d’incohérences et nous craignons que l’enquête promise ne puisse aboutir à la manifestation de la vérité, s’inquiète Paul Coppin, responsable juridique de RSF. Nous faisons appel aux Nations Unies pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir que les circonstances ayant causé la mort de Samuel Wazizi soient établies.”
Pour rappel, le présentateur de la chaîne privée régionale Chillen Media Television (CMTV) avait été arrêté le 2 août 2019 avant d’être récupéré cinq jours plus tard par les militaires de la 21e brigade d’infanterie motorisée de Buéa. Le journaliste était accusé d’avoir tenu des propos critiques dans son émission d’information en langue locale à l’égard des autorités et de leur gestion de la crise dans les régions anglophones du Cameroun, où le conflit entre les séparatistes, partisans d’une plus grande autonomie de ses régions, et l’armée camerounaise a déjà fait plus de 3 200 morts et 700 000 déplacés depuis trois ans.
La liberté de la presse poursuit son long déclin au Cameroun, où les journalistes qui couvrent la crise anglophone sont exposés à un risque élevé de menaces et d’arrestations arbitraires. Après avoir perdu cinq places en deux ans, le Cameroun occupe désormais la 134e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse récemment publié par RSF.
La saisine est consultable en intégralité ici.
REPORTERS SANS FRONTIÈRES/ REPORTERS WITHOUT BORDERS