Le Mali est englué dans une crise politique depuis plusieurs semaines. Le peuple, vent débout, contre la mal gouvernance, est descendu plusieurs fois dans les rues de Bamako pour exiger le départ du Prési Ibrahim Boubacar Keïta, IBKappé pour les amis. M. Kéita est resté sourd à toutes les revendications, tous les appels. Pour abréger la souffrance du populo, un groupe d’officiers supérieurs a choisi de déposer M. Kappé, le 18 août, de prendre les commandes, en attendant la mise en place d’une transition qui pourrait aboutir à des élections crédibles, acceptées de tous. Mais la CEDEAO des présidents ouest-africains ne l’entendait vraiment pas de cette oreille. L’organisation syndicale de la chefferie ouest-africaine a multiplié menaces et sanctions, allant jusqu’à fermer au Mali toutes les frontières, jusqu’à celles de la BCEAO. Même s’ils ont commencé à lâcher du lest depuis leur dernier sommet par visioconférence. Ils n’exigeraient désormais plus le retour au pouvoir d’IBK, lui-même n’en voudrait plus. Mais cette « fermeté » des chefs d’Etat ouest-africains, Alpha Condé et Alassane Ouattara en tête, écœure plus d’un.
Bien des gens estiment que ces roitelets prennent cette organisation pour un instrument de protection des présidents au détriment des peuples de l’Afrique de l’Ouest : « Aujourd’hui, les peuples ouest-africains se sentent abandonnés par la CEDEAO. On a l’impression qu’elle est beaucoup plus un instrument au service des chefs d’Etat qu’un instrument au service des populations. Cela doit changer, et les chefs d’Etat eux-mêmes n’ont pas intérêt à ce que l’institution soit coupée des peuples. Ils doivent apprendre à faire assez de concessions une fois que la CEDEAO s’implique dans le règlement d’un conflit. Mais en donnant l’impression que la CEDEAO n’a pas de pouvoir de pression sur les présidents en exercice, cela vide l’institution de sa substance originelle » explique Mamady Kaba, ancien prési de l’INIDH.
Mamady Kaba estime que les chefs d’Etat de la sous-région doivent plus s’investir pour une solution entre Maliens que de penser à la pression et aux sanctions sur la junte militaire : « Il ne faut pas se le cacher, les années à venir vont être très dures pour l’espace CEDEAO parce qu’il y a des crises latentes, il y a des crises en cours et il y a des crises en gestation. Les chefs d’Etat doivent donner plus de pouvoir à la CEDEAO. Je pense que les sanctions seules seront contreproductives. Si on inscrit la junte malienne qui a presque tout le peuple avec elle dans une position d’hostilité, c’est une défiance qui commencera. Les Maliens ont besoin d’une communauté internationale qui les accompagne pour trouver une solution consensuelle. Ils n’ont pas besoin d’institutions qui viennent montrer les muscles alors que la crise était là. Mais les recommandations de la CEDEAO étaient destinées à maintenir IBK au pouvoir » Même si IBK le souhaitait, les Maliens, eux, sont déterminés à l’en empêcher. Qu’elle le veuille ou non, la CEDEAO pliera les genoux.
Yacine Diallo