On ne sait pas trop ce qui justifie la myopie des Guinéens vis-à-vis de leur propre histoire. Ou, en tout cas, des pans entiers de celle-là. C’est notamment le cas de ce mois pluvieux d’août chargé d’événements qui ont lourdement pesé sur notre avenir. Si la révolte des femmes le 27 août 1977 a été étouffée sur les ondes et dans les colonnes des journaux, c’est peut-être parce que le Responsable Suprême de la Révolution était encore le bluffeur principal du PDG au nom duquel il mâtait tout ce qui bougeait. Les braves dames qui ont infligé la première défaite au président-directeur général du parti cynique n’avaient certainement pas évalué toute la portée que leur action pouvait engendrer dans l’avenir de la Nation. Encore moins sur la dictature sanguinaire qui tombait sur elles comme une chape de plomb. Quasiment, personne n’a songé à donner suite à cette première révolte contre la tyrannie de la police économique avec laquelle le PDG tenait le pays tout entier. Aussi, en bon élève de Machiavel, Sékou Touré a-t-il fini par noyer dans son verbiage habituel, l’essence même de la lutte des femmes. En 2020, peu de féministes s’en souviennent pour y voir une forme de résistance à l’oppression digne d’enrichir les colonnes de notre histoire.

Plus étonnant encore est le cas du 25 août 1958 dont le 62 è anniversaire vient de nous glisser entre les doigts. Pourtant, toute l’histoire de la Guinée indépendante en dépend. C’est ce jour-là surtout que le destin singulier de la Guinée a été scellé. Par un concours de circonstances ahurissant. Le Général de Gaulle avait entrepris un voyage dans ses colonies d’AEF et d’AOF pour promouvoir la Communauté-franco africaine destinée à mettre un terme à la 4è République française, plus ingouvernable que jamais. Après Brazzaville, « le Chef de la France » atterrit à Abidjan où régnait un certain Félix Houphouët-Boigny, ministre français et patron incontesté du RDA et de Sékou Touré. Chouchou du pouvoir colonial de l’époque, celui-ci négociait au profit du dirigeant ivoirien quelques strapontins à mettre sous la dent des Africains pour justifier le « oui » massif des colonies au référendum du 28 septembre 1958.

A Abidjan Houphouët n’a donc pipé maux, Cona-cris devant jouer l’enfant terrible. Les cadres du PDG-RDA, majoritaires à l’assemblée territoriale, à tu et à toi avec le Gouverneur de la colonie, ont pris soin de rédiger le discours de bienvenue que le futur responsable suprême de la révolution devait prononcer devant de Gaulle au siège actuel de la HAC. Sékou s’est entrainé des jours durant pour ne rien rater, pour ne rien gâter. Il a même fait appel à la technique du miroir pour réussir le coup. Il a eu le temps de l’acheminer sur Abidjan au cas où… Mais Gabriel d’Arboussier n’a pu le remettre au Général-Président, celui-ci ayant dormi pendant toute la traversée entre Abidjan et Conakry. De l’aéroport de Gbessia à Kaloum, les militants du PDG ont ébahi de Gaulle. Mais dès qu’il a entendu de la bouche de celui-ci que « nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage, » il s’est fâché. Carrément. Au nom de la France. Jusqu’à présent, on n’a pas réussi à arracher à celle-là un sourire…rentable. Est-ce pour cette raison que nous aussi avons boudé cette date historique ? A nous regarder de près, on peut conclure que rien n’est impossible.

Diallo Souleymane