Un collectif d’opposants guinéens a déclaré avoir déposé plainte mardi en France contre le président Alpha Condé et plusieurs proches pour corruption, trafic d’influence et blanchiment de corruption, à la veille de la désignation du candidat du parti au pouvoir pour la présidentielle. La plainte a été déposée mardi matin devant le parquet national financier (PNF) à Paris, a déclaré Jean-Baptiste Soufron, l’avocat du Collectif pour la transition en Guinée (CTG) lors d’une conférence de presse.
« La plainte vise un ensemble d’activités qui ont eu lieu depuis 2012-2013, dont une partie à Paris, une partie en Guinée, et qui permettent de craindre des faits de corruption commis à l’avantage d’Alpha Condé, de son fils Mohamed Condé, mais aussi du ministre de la Défense Mohamed Diané », a-t-il expliqué. Le CTG dénonce des liens opaques entre le pouvoir de Conakry et la société française Alliance minière responsable (AMR) créée en 2015 pour exploiter la bauxite en Guinée.
Après avoir obtenu en 2017 un permis près de Boké (Ouest), l’AMR avait cédé le gisement à un consortium franco-sino-singapourien pour un montant de 171 millions d’euros, selon les plaignants. « Cette société aurait permis à ses actionnaires et investisseurs de réaliser de très importantes plus-values, le tout à un prix qui n’a, semble-t-il, pas de lien avec la réalité de la situation de cette mine sur le terrain », a précisé M. Soufron. « Certains membres du gouvernement étaient proches des actionnaires de cette société. Il est possible que des membres de cette société aient été impliqués dans des actions potentielles de corruption dès 2015 avec le fils de M. Condé », a-t-il ajouté.
En 2015, le PNF avait ouvert une enquête sur le financement du train de vie de Mohamed Condé lors de ses passages à Paris. Sollicité par l’AFP, le gouvernement guinéen n’a pas souhaité réagir. « Ce n’est que de la pure calomnie, mais en cas de diffamation nous allons saisir nos avocats », a toutefois déclaré un responsable de la présidence. « A l’approche de chaque échéance importante, comme ces élections présidentielles, nous sommes victimes de chantage », a ajouté cette même source. Le parti au pouvoir en Guinée doit choisir son candidat pour la présidentielle d’octobre lors d’une convention les 5 et 6 août. Alpha Condé, 82 ans, continue à entretenir l’ambiguïté sur ses intentions.
Persuadée qu’il briguera sa propre succession, l’opposition organise depuis octobre des manifestations souvent violemment réprimées, contre un éventuel 3e mandat de Condé. « C’est le meilleur moment pour espérer que les populations se réveillent et découvrent la réalité des pratiques financières de ce régime », a expliqué mardi Ibrahim Sorel Keita, porte-parole du CTG.
La semaine passée, une autre plainte avait été déposée en France par l’association anti-corruption Sherpa contre un proche d’Alpha Condé. Elle vise notamment des faits de « corruption » et de « trafic d’influence » et porte sur le versement par le groupe minier anglo-australien Rio Tinto d’une commission de 10,5 millions de dollars à un consultant pour la conclusion d’un accord sur un projet minier. Ce consultant, ex-banquier d’affaires français, était alors également un conseiller du président Condé, avait révélé en 2016 le site d’informations en ligne Mediapart.
Avec AFP