Présidentielle 2020 : Alpha Condé plébiscité avant l’heure
Présidentielle 2020 : Alpha Condé plébiscité avant l’heure

Sujet tabou, puis sources d’irritation, la question de la candidature d’Alpha Condé à un troisième mandat devient désormais sans objet, tant les signaux sont clairs. Alors que le RPG arc-en-ciel s’apprête à reconduire son champion, ses alliés de la CODECC déclarent ne pas avoir d’alternative au président octogénaire à l’appétit politique plus que jamais vorace.
Lors de sa toute première conférence de presse, le 11 août 2014, alors que Blaise Compaoré luttait contre les Burkinabès pour faire sauter le verrou constitutionnel de limitation de mandat (article 37), Alpha Condé estimait que le problème ne se posait pas en Guinée. Qu’il s’y prononcera, lorsqu’il se posera.
Après sa réélection en 2015, Alpha Condé avait, le 4 mai 2016, animé sa toute première conférence de presse de son second et dernier mandat, selon la Constitution du 7 mai 2010. Pour la première fois, il s’était montré très irrité par la question d’un journaliste sur son avenir politique après 2020. « Dans un pays, ce n’est pas à vous de décider, c’et le peuple. Personne, je dis bien, personne ne me dira ce qu’il faut faire, excepté le peuple de Guinée. C’est vous qui vous préoccupez de ça. J’ai un programme de cinq ans que j’applique pour satisfaire le peuple de Guinée. Je ne rentrerai pas dans ce débat de limitation de mandat ou pas. Ce qui m’intéresse, j’ai des engagements avec le peuple de Guinée que je dois remplir. C’est vous qui spéculez. Il y a certains qui s’agitent : qui sera vivant en 2020, qui ne sera pas là…Qui est bon Dieu ? »
Quatre ans après, le 22 mars, il a fait adopter une nouvelle constitution qui fait passer le mandat présidentiel de cinq à six ans, renouvelable une fois. Surtout, qui lui permet, à 82 ans (officiellement), de rester potentiellement douze ans encore au pouvoir. C’est-à-dire jusqu’en 2032.

L’incontournable candidat

Alpha Condé, opposant historique durant près d’un demi-siècle, n’aura eu d’adversaire ni au sein du RPG arc-en-ciel qu’il continue de diriger simultanément avec ses fonctions de chef de l’Etat, ni au sein de la mouvance présidentielle. La convention du parti au pouvoir du 5 et du 6 août, pour désigner son candidat à la présidentielle d’octobre prochain n’est ainsi qu’une formalité. « Se demander si le président de la République sera candidat ou pas, seuls les journalistes se posent cette question. Je vous déclare ici qu’il est candidat ! Lors du congrès du 5 au 6 août, on va l’investir comme candidat », a coupé court Amadou Damaro Camara, une des voix les plus audibles du RPG, en s’adressant aux populations de Kissidougou.
Au même moment, lundi 3 août, la CODECC (Coalition démocratique pour le changement dans la continuité) était en conclave au Jardin du 2 octobre, à l’entrée de la commune du Kaloum. L’objectif était de répondre à une demande de son allié RPG : renoncer à la compétition pour accompagner son candidat. La CODENOC (Coalition démocratique pour la nouvelle Constitution), ancêtre de la CODECC, avait battu campagne pour le référendum constitutionnel du 22 mars. Puis, le 30 mai, elle s’est transformée en Coalition démocratique pour le changement dans la continuité. Les couleurs étaient annoncées.
Composée en partie de leaders politiques membres du gouvernement, autrefois opposants, aujourd’hui inconditionnels du régime, la CODECC a naturellement dit oui à Alpha Condé. Pour le meilleur et pour le pire. Cette dernière, « en tant qu’allié solide et loyal, ne saurait se défausser et manquer son rendez-vous avec l’histoire. N’est-ce pas ? » a interrogé Mouctar Diallo, ministre de la Jeunesse en lisant le rapport de synthèse. L’assistance de lancer un « oui » accompagné d’applaudissements. « C’est pourquoi, nous répondons favorablement à la demande du RPG arc-en-ciel consistant à désigner un et unique candidat au compte de la grande mouvance présidentielle. Nous décidons d’investir solennellement notre entière confiance dans un candidat rassurant à la prochaine élection présidentielle qui est le professeur Alpha Condé ». Tonnerre d’applaudissements dans la salle. Domani Doré se saisit du micro pour lancer « Vive le président Alpha Condé ! Vive la Guinée ! » L’assistance lui emboîte le pas, comme au bon vieux temps du PDG.

Bilan flatteur

Mouctar Diallo de vanter une « transformation économique industrielle, porteuse de croissance et de dividendes pour tous les Guinéens ; des avancées substantielles manifestes et remarquables engrangées en matière de lutte contre la pauvreté qui est passée de 53 % en 2010 à 41 % en 2019, du développement des secteurs de l’éducation et de la santé, la réforme de la défense et de la sécurité, de la mutation infrastructurelle tous azimuts sur toute l’étendue du territoire… Les six prochaines années trouvent leur sens politique et leur côté progressiste dans les acquis et perspectives les plus prometteurs jamais enregistrés en Guinée, à travers les interminables chantiers ouverts qui promettent un avenir économique et social résolument radieux ».
Le coordinateur de la coalition, Aboubacar Sylla, ministre des Transports, de renchérir : « La base de la CODECC a fait sans hésitation et sans ambiguïté le choix de l’assurance en l’avenir. Le choix de la raison, celui de la continuité. Le bilan du président Alpha Condé rassure pour le présent et l’avenir de notre grande nation. (…) Envers et contre tous, Alpha Condé aura été à la hauteur de tous les grands défis qui interpellent notre peuple».

Le diable, c’est l’opposition

Aboubacar Sylla d’égrener à son tour des réalisations dans l’éducation, la santé, l’énergie, l’hôtellerie, les routes, les mines avec plus de dix milliards d’investissements générant plus de 50 000 emplois et hissant la Guinée à la deuxième place des plus grands pays exportateurs de bauxite. Même que l’unité de la nation a été retrouvée sous le règne d’Alpha Condé et la liberté d’expression s’en est trouvé renforcée. Et de renier son passé d’opposant : « Face aux inquiétudes que présentent les perspectives d’avenir dans la sous-région et sur le continent, compte tenu des limites montrées par le personnel politique actuel en matière de capacité à préserver la paix, la cohésion sociale, la stabilité politique et le maintien de l’élan économique amorcé, la meilleure réponse aujourd’hui à apporter est la continuité. C’est-à-dire le maintien du leadership actuel au sommet de l’Etat. Dans les conditions actuelles, il n’y a pas d’alternative crédible au président Alpha Condé. Ses concurrents ayant pour la plupart montré leurs limites aussi bien lors de leur passage aux affaires publiques qu’après leur conversion en opposants. Ils se sont illustrés ces derniers mois par une volonté farouche de créer le chaos dans l’unique but d’arriver au pouvoir par des moyens non démocratiques ».
Aboubacar Sylla reste convaincu que le RPG suivra la CODECC et que le président Alpha Condé acceptera le choix porté sur lui. L’objectif étant de l’élire dès le premier tour de l’élection présidentielle d’octobre. La réédition du coup KO de 2015.

Diawo Labboyah Barry