Les 5 et 6 août, le RPG arc-en-ciel a tenu sa convention nationale pour désigner, sans surprise, Alpha Grimpeur candidat à la prochaine présidentielle. Ce dernier en prend acte et réserve sa réponse. Jusqu’à quand ?
Jeudi 6 août. Cona-cris, pour ne pas dire la Guinée, retient son souffle. Tout le monde a les yeux et les oreilles rivés sur le Palais du peuple, cette grande bâtisse construite en 1967 grâce à la coopération chinetoque. La Salle des Congrès abrite, deux jours durant, une soi-disante convention nationale du RPG, dominée par des chants et danses et de la ripaille. Un rendez-vous de formalité, d’autant plus que Alpha Grimpeur, le patron incontesté du parti, ne faisait pas mystère de ses désirs de rester au pouvoir. Et il n’y a personne pour le contrarier, tant au sein du RPG que des partis alliés.
La CODECC (Coalition démocratique pour le changement dans la continuité) s’était retrouvée deux jours auparavant pour le désigner « unique candidat ». Puis, le 6 août, Diakhagbè Camara, porte-voix des congressistes et Nantou Chérif, coordinatrice nationale du RPG, ont constamment prié le Prési Grimpeur à conduire leur candidature à la présidentielle d’octobre. « Notre choix s’appelle Alpha Condé. Camarade Alpha Condé, accepte notre choix », a répété cette dernière trois fois la phrase, avant de la dire dans les principales langues du pays, en tâtonnant au point de faire sourire l’intéressé.
A la reconquête des militants déçus
Les discours sont élogieux, les applaudissements nourris, mais Alpha Condé n’est pas naïf. Il caresse dans le sens du poil les oubliés du parti. Une commission de recensement de responsables et militants décédés est créée et confiée à Saloum Cissé, l’autre oublié. Alpha Grimpeur dégage sa responsabilité quant à leurs misérables conditions de vie. « Très souvent, nous oublions ceux qui ont fait gagner le RPG. Sans eux, je ne serais pas à cette place. La motion la plus importante est cette commission mise en place. Saloum la dirigera parce qu’il fait partie des militants des premières heures du RPG. Le plus choquant, lui qui s’est battu des années durant, devient la risée des gens. La force du RPG, c’est la solidarité. Il faut que le parti revienne à cette tradition. Les forces intermédiaires entre le peuple et moi ne jouent pas leur rôle. Je ne peux pas savoir que tel ancien militant à Yomou, Kouroussa ou à Lélouma a des problèmes. Je ne le saurais que si les cadres qui servent d’interface m’informent ». La salle jubile.
« Je dis aux ministres : même si vous n’avez pas de l’argent à leur donner, rendez visite aux militants certains weekends. (…) Un bon militant vit, dort et mange avec le peuple. Mais quand tu vas au village en costume et cravate, tu crées déjà la distance. Pour que quelqu’un se reconnaisse en toi, tu dois te fondre en son sein, en te mettant à son niveau. Si vous voulez que j’accepte votre proposition, il faut que le RPG redevienne ce qu’il était : un parti qui n’oublie personne, surtout les analphabètes sans travail, particulièrement les femmes. Si nous sommes d’accord que les six prochaines années seront consacrées à l’émancipation des femmes, à donner le savoir-faire à la jeunesse guinéenne afin qu’elle soit maître de son destin, je dirais oui. Pour le moment, je prends acte de votre proposition ».
Don Kass peint tout en blanc
Cette stratégie d’Alpha Grimpeur de faire du militant une priorité sert à rassurer son fief de la Haute Guinée, déchiré par des manifs sur fond de dénonciation de promesses non tenues. « Les événements récents (en Haute Guinée) causés et entretenus par nos adversaires n’avaient aucune raison d’exister. Le programme d’interconnexion énergétique avec la Côte d’Ivoire est en marche. Il devait finir en juin, n’eût été la Covid », avait déjà annoncé, la veille 5 août, le Premier ministre Don Kass. Ce qui sonne comme le recyclage d’un programme d’électrification de la Guinée forestière proposé par le Sid de l’UFR alors Haut représentant contrarié du chef de l’Etat. « Ce n’est pas une promesse de campagne : le programme énergétique du pays est sous contrôle». Parole de Don Kass.
Ce dernier a peint en blanc les dix ans de gouvernance d’Alpha Grimpeur : 17 000 emplois directs et 50 000 indirects crées dans les (grises) mines, plus de mille mégawatts d’énergie additionnelle installée et, sur le plan des libertés et de la démocratie, même pas… « un seul prisonnier politique ou d’opinion » ! Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Saïkou Yaya Diallo du Front national pour la défense de la Constitution devraient se remuer dans leurs cellules.
Des perspectives mirobolantes : transformer le secteur agricole en y injectant 300 millions de dollars de la BAD et de la Banque mondiale, extraire six millions de Guinéens de l’extrême pauvreté d’ici à 2025, livrer une première tranche de 10 000 logements aux fonctionnaires et aux hommes en uniforme, réhabiliter et reconstruire le réseau routier pour mettre fin à « l’enfer des voyageurs »…En ralliant Cona-cris, les congressistes ont dû apprécier ces autoroutes de promesses.
Diawo Labboyah