La crise malienne a fini par révéler la nature profonde de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de Ouest. Avec des termes lénifiants, la CEDEAO se dresse comme un rempart inexpugnable face à la volonté longtemps exprimée des peuples africains en général, ouest-africains en particulier, de prendre en main leur destin. Pour parvenir à ses fins, l’organisation sous régionale s’est insidieusement dotée de moyens efficaces pour mettre en coupe réglée tous les domaines de la vie des Etats qui la composent. Ses structures fantoches se retrouvent sous les bottes de dictateurs bien noirs. Le coup d’État du 18 août à Bamako est tombé comme un couperet pour tout mettre à nu. Aussi, n’hésite-t-on plus à classer l’honorable institution parmi les instruments du néo colonialisme africain.
La crise malienne a mis en évidence les organes de la CEDEAO si adéquatement structurés pour répondre à des besoins aussi contradictoires qu’inavouables. La liberté de circuler a dévoilé sa capacité d’étouffement. L’homme avait l’habitude de traverser les frontières sans aucun problème, à condition de permettre à ses biens de circuler entre les poches trouées de la douane, de la gendarmerie, de la police et, je ne sais quelle autre milice encore. L’embargo sur le Mali a mis au grand jour tous les mécanismes parallèles de blocage, d’une efficacité insoupçonnée. Il a fallu moins de 24 heures pour verrouiller le pays auquel nos États faisaient une cour assidue pour lui « ouvrir » ses ports. Les Maliens avaient-ils soupçonné que chaque « point d’ouverture » constituait un goulot d’étranglement de fait ?
Combien de temps la CEDEAO a-t-elle consacré au débat sur les sanctions contre le Mali et ses putschistes ? Certainement, le temps d’un appel téléphonique express entre les chefs des gangs qui écument nos palais présidentiels. Les putschistes civils les plus tordus, Alassane Ouattara et Alpha Condé, sont montés au créneau les premiers pour montrer à la junte malienne les nombreux endroits où elle a franchi le Rubicon. Les colonels de Kati doivent ravaler leur vomissure. On ne touche pas impunément à un mafioso noir de la taille d’un IBK. Qu’il soit raccompagné à Koulouba avec une escorte digne de son rang. Ce n’est pas une dénonciation du bout des lèvres de Buhari qui y changera quelque chose.
Le sommet d’Accra a été mis à profit pour taire quasiment toutes les discordances entre les putschistes civils, actuels ou potentiels, qui se disputent le leadership ouest-africain. Les colonels maliens se sont fait remonter les bretelles pour avoir essayé de prendre en compte un minimum de points de vue du peuple Non seulement on leur a dit de vive voix ce qu’il faut faire et comment il faut le faire une fois rentrés à Bamako, mais on a profité de leur garde-à-vous impeccable devant la CEDEAO pour réitérer à l’intention des casernes de la sous-région que « les coups d’état militaires relèvent du passé.» Quelle que soit la contrée où elle aurait l’outrecuidance de montrer le nez. Voilà le seul message à décrypter. Voilà le véritable sens de la solidarité africaine. Le colonel Goita doit le comprendre. S’il est lent à le faire, ce sera tant pis pour le Mali. Un poing, un trait.
Diallo Souleymane