Mamadou le Baadikon Bah, prési de l’Union des forces démocratiques, UFD, n’est pas candidat à la pestilentielle du 18 octobre, contrairement aux sélections légis-tardives controversées du 22 mars dernier. Dans une déclaration publiée ce 10 septembre, le parti dit qu’il « n’a pas de candidat » et ne soutient « aucun candidat en lice ». L’UFD a plutôt lancé une invitation « étrange » à ses militants. L’intégralité de sa déclaration.
- L’UFD ne participe pas à cette opération
L’Union des Forces Démocratiques, parti de l’opposition parlementaire, après de larges consultations internes et l’analyse approfondie de la situation politique nationale, a décidé de ne pas participer à cette consultation.
Pour nous, prendre part à cette élection devrait avoir pour objectif – à défaut de la remporter – de consolider la démocratie et de faire un pas en avant dans la lutte du peuple, pour sortir définitivement de ce système dictatorial, corrompu, ethniciste et rétrograde, dans lequel la Guinée est enserrée depuis l’indépendance en 1958. Pendant ces soixante-deux ans d’indépendance, la souveraineté du peuple n’a jamais pu ressortir d’une élection. Au contraire, les élections n’ont été qu’un moyen de confisquer le pouvoir, leurrer et diviser le peuple, sans produire un changement notable et durable de sa situation misérable. Premier territoire indépendant des colonies françaises d’Afrique, la Guinée aujourd’hui dominée sans partage par le RPG et son candidat Alfa KONDE, est l’un des pays les plus pauvres et le plus corrompus de la planète. Notre contribution au débat en tant que candidat, dans une élection non libre, non transparente et honnête, ne s’impose pas. Dans notre contexte, les présidentielles n’ont pas la même portée que des élections locales ou législatives. Comme on l’a vu lors de la session spéciale du parlement monocolore en mai-juin 2020, notre présence a constitué le seul et unique rempart du peuple contre la vague déferlante et sans retenue du parti unique du RPG.
2-Dictature, déficit démocratique et totalitarisme en Guinée
Le FNDC a porté le gros fardeau du combat pour l’alternance. Son combat est noble et nous nous y sommes associés, en participant aux réunions et en demandant à nos militants de participer à toutes les manifestations légales. Nous ne sommes pas restés à l’écart de ce combat, parce que c’est une cause juste pour laquelle nous luttons depuis des décennies: l’instauration d’un Etat de droit et le respect des textes et lois de la République, en l’occurrence le respect des principes d’alternance. Son échec sera l’échec de tout le peuple de Guinée, qu’on ne s’y trompe pas.
Cependant, connaissant l’adversaire et le camp d’en face et étant conscients du danger de les laisser installer un Parti-Etat sans aucune opposition au parlement, nous avons décidé de prendre part aux législative du 22 Mars 2020.
C’est le lieu de rappeler la terrible situation vécue par notre pays et ses populations en 2019-2020 à l’occasion des dernières élections législatives. Au nom de la « lutte pour la démocratie », les partis d’opposition ayant décidé de boycotter et même d’empêcher les élections, se sont lancés dans des actions massives et illégales, faites de violence physiques et verbales contre les partis, qui comme l’UFD, avaient décidé de prendre part au scrutin législatif. En dehors des destructions de biens publics (bureaux administratifs, commissariats de police ou gendarmerie, résidences de fonctionnaires, palais de justice, écoles, universités) et des bâtiments privés, il y a eu des agressions physiques contre nos militants engagés dans le processus (Mamou) et même des menaces de lynchage (Nzerekore). Or dans le système démocratique, en principe, la liberté de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre. Cultiver l’intolérance, vouloir imposer ses volontés par la violence, ne peut que révéler les visées dictatoriales et totalitaires de ses auteurs. En agissant ainsi, ceux-ci se placent exactement sur le même pied d’estale que tous les systèmes que la Guinée a connus depuis 1958. On peut dire que dans l’arène politique guinéenne, dominée par deux partis, c’est en vain qu’on trouverait la différence entre les deux. A chacun selon ses moyens. Le RPG au pouvoir quant à lui, a usé de tous les moyens de son appareil d’Etat pour réprimer, tuer, blesser et interner en camp militaire ceux qui s’opposaient à lui.
Pour revenir à la décision souveraine des partis d’oppositions véritables qui ont boycotté les élections législatives, nous réitérons notre jugement, à savoir : les dirigeants de ces partis sont tombés dans l’énorme piège que leur a tendu le pouvoir. En détruisant le matériel électoral, en saccageant des bureaux de vote, en empêchant les électeurs de récupérer leurs cartes, en menaçant de représailles violentes ceux qui, malgré tout voulaient voter, ils n’ont fait que le jeu du pouvoir. Celui-ci n’a rien fait pour que le vote se tienne partout. Ainsi a été justifié le non-déroulement du vote dans le Fouta et à Ratoma et par voie de conséquence, l’accaparement de tous les sièges de cette région, ouvrant la voie royale au parlement monocolore de la 9ème législature. Nous n’avons cessé de mettre en garde le peuple de Guinée contre le retour au parti unique de sinistre mémoire, basé sur la dictature, la corruption, la division des nationalités et les présidences à vie. Personne ou presque ne nous a cru. Et à présent l’impensable est arrivé. Nous devrons tous en assumer la responsabilité.
3- Respecter les droits des citoyens et lutter pour sortir de ce système qui a détruit la Guinée
Nous respectons le droit de chaque parti politique de participer ou non à ces élections. Chacun prendra ses responsabilités.
Ceci dit, nous n’avons pas de candidat et ne soutenons aucun candidat en lice. Nous demandons à nos militants, sympathisants et au peuple de Guinée dans son ensemble, de récupérer leur carte d’électeur, libre à eux d’aller voter ou non, comme la loi le leur en donne le droit.
Nous devons prendre conscience du fait que tant que ce système dictatorial, ultra-corrompu, injuste, ethniciste, issu des institutions politiques mises en place à l’indépendance en 1958, ne sera pas profondément modifié, le peuple de Guinée continuera à croupir dans la misère, le sous-développement, la division ethnique, en assistant impuissant au pillage de ses ressources naturelles par des compagnies étrangères, en complicité avec des élites corrompues, insatiables.
Nous devrons avoir des institutions garantissant le réel contrôle du peuple sur ses dirigeants, l’alternance démocratiques après des élections apaisées et dont les résultats seront acceptés par tous. C’est la seule voie permettant à la Guinée d’assurer le développement harmonieux, l’unité et la justice sociale.
Fait à Conakry, le 10 septembre 2020
Pour le Bureau Exécutif National, Le Président
Mamadou Baadiko BAH, Député à l’Assemblée nationale