Candidat pour la troisième à l’élection présidentielle, Cellou Dalein Diallo fait face au même candidat depuis toujours : Alpha Condé. Cellou a des maigres chances d’être élu, mais il y a des possibilités juridiques que cela arrive. Jean-Paul Kotembédouno, attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne explique ces hypothèses basées sur la Constitution.

Hypothèses suivant lesquelles le président de la république de guinée serait Cellou Dalein Diallo, après l’élection du 18 octobre 2020.

Au titre de l’article 47 alinéa 3 de la Constitution guinéenne, « En cas de décès ou d’empêchement définitif d’un des candidats au premier tour avant la proclamation des résultats définitifs, si le défunt candidat est celui qui recueille le plus grand nombre de suffrages, la Cour constitutionnelle prononce la reprise de l’ensemble des opérations électorales ». Cette disposition appelle quelques remarques : Tout d’abord, l’alinéa 3 traite de l’avènement des situations constitutives de l’impasse dans la période antérieure à la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Ensuite, l’invocation de cette disposition n’a, du point de vue de l’analyse hypothétique d’espèce, de sens qu’à la condition que c’est non seulement le candidat du RPG arc-en-ciel qui obtienne le plus grand nombre de voix mais qu’il soit également concerné par les situations énumérées à ladite disposition (article 47 al. 3). Ensuite, l’hypothèse repose sur le présupposé que le second candidat serait celui de l’UFDG (réflexion basée sur la pratique électorale dans la vie politique guinéenne telle qu’elle est dominée par le président en exercice et l’état de l’électorat aux dernières élections les plus inclusives).

En quoi cette hypothèse de l’alinéa 3 de l’article 47 conduirait-elle le candidat de l’UFDG Cellou Dalein Diallo, à être élu président de la république ?

Pour deux raisons essentielles : la première tient à la différence de l’électorat. En ce sens, sur les 11 candidats qui resteraient, il est celui qui disposerait (propos reposant sur les faits et résultats) du plus grand nombre d’électeurs. La seconde tient aux arrangements politiques qui mèneraient à la formation de coalitions. Sur ce point, l’UFDG tirerait toutes les conséquences de sa stratégie de négociations de 2010.

SECONDE HYPOTHESE (art. 47. alinéa 4 de la Constitution).

Suivant l’alinéa 4 de l’article 47 de la Constitution guinéenne, « En cas de décès, d’empêchement définitif ou de retrait de l’un des deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour, empêchement constaté après la proclamation des résultats définitifs du premier tour, la Cour constitutionnelle déclare admis à se présenter au second tour le candidat suivant dans l’ordre des suffrages obtenus ».

A la différence de l’alinéa 3 de l’article 47, l’alinéa 4 traite de l’avènement des situations constitutives d’impasse dans un contexte postérieur à la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Ensuite, son invocation repose sur la double hypothèse suivant laquelle les candidats du RPG et de l’UFDG viendraient respectivement 1er et 2e. Cette disposition ne change ainsi rien au sens du raisonnement propre à l’alinéa 3. Au contraire, l’importance de l’écart entre le 2e candidat (de l’UFDG, qui serait devenu le premier en raison de l’absence du premier) et le troisième candidat (X qui serait devenu le 3e an raison de l’absence du vrai premier), serait déterminante dans la formation des coalitions.

Cet argument peut rencontrer une objection fondée sur l’expérience de 2010. Mais celle-ci ne reposerait guère sur une base solide pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’y aurait plus de candidats historiques qui bénéficieraient d’un prestige au point de compromettre la formation d’une coalition avec le leader du parti qui apparaîtrait le plus important. La seconde vient de ce qu’encore une fois, les leaders de l’UFDG tireraient toutes les leçons de la stratégie de 2010. La troisième, quant à elle, repose sur le principe de la recomposition du paysage politique marqué par le caractère dynamique et opportuniste des adhésions lorsque survient un nouvel personnage fort. Cette recomposition intègre la dimension sociologique telle qu’elle repose sur des affiliations dictées par des considérations communautaristes.

Mais non seulement nul ne devrait s’entendre NATURELLEMENT investi du monopole de la fédération des autres communautés ethniques EN RAISON DE SA SEULE APPARTENANCE ETHNIQUE, nul, inversement, ne devrait s’estimer INAPTE PAR PRINCIPE à réussir une telle fédération au seul nom de son appartenance à une communauté ethnique. Entendons-nous, sur un plan strictement normatif, que l’adhésion devrait reposer sur des projets, tel que l’enseigne l’esprit des lois de la République qui interdisent à bien des égards le régionalisme. Encore faut-il que : 1. La majorité de ceux qui votent sachent lire. 2. Que ceux qui savent lire et écrire (qui s’appellent CADRES parfois) sachent que la République ne repose guère sur la personnification du pouvoir ; qu’ils comprennent que l’Etat n’est pas l’individu qui agit en son nom pour un temps ; ils se différencient.

Ce dernier aspect en lien avec la recomposition du paysage politique est conforté par la situation dans laquelle : 1. Le Président en exercice pour lequel les fédérations se réalisent facilement y compris par clientélisme politique ne serait plus concerné par le processus. 2. Le leader ayant le plus de chance de gagner cette élection serait perçu comme le futur président de la République ; ce qui favorise l’adhésion opportuniste qui, en tout état de cause, conforte l’hypothèse de l’élection du candidat de l’UFDG comme président de la République de Guinée.

En définitive, 1. L’apparence d’une élection sans grands enjeux n’est pas fausse. 2. Mais elle n’est pas infaillible (en tant qu’apparence) au point de rendre nulle la survenance éventuelle de situations incertaines prenant la forme de l’élection de M. Cellou Dalein Diallo comme Président de la République de Guinée. Seulement, dire qu’une situation est incertaine n’est pas dire qu’elle est imprévue ; puisque la Constitution même prévoit les situations qui sous-tendent les hypothèses. Il existe ainsi une différence de nature entre l’imprévu et l’incertain.

NB : Exclusion volontaire des hypothèses de droit commun fondées sur une victoire qui résulterait de la désignation du candidat de l’UFDG comme vainqueur des élections organisées sous l’empire du RPG arc-en-ciel dans un contexte marqué par la volonté du président en exercice de briquer un autre mandat. Exclusion délibérée ainsi dictée par l’ensemble des circonstances de fait et de droit participant de l’improbabilité d’une telle hypothèse de droit commun. D’où le maintien d’une hypothèse qui serait très probablement incontestable au profit de l’UFDG.

JEAN PAUL KOTEMBEDOUNO,
Attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche
à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne