Le 7 octobre, le Président Alpha Grimpeur a accordé une interview à RFI et France 24 sur la présidentielle du 18 octobre. Il en a profité pour faire d’inacceptables raccourcis sur l’histoire récente de la Guinée. On ne peut pas ne pas revenir sur certains de ces raccourcis dont a usé le leader guinéen pour tordre le cou sans ménagement à cette page palpitante de notre histoire. La présidentielle de 1993 prouverait qu’il ne saurait être un dictateur. « Je me suis battu, pendant 44 ans j’étais opposant, affirme Alpha Condé. J’ai été condamné à mort par Sékou Touré et j’ai fait la prison. J’ai gagné les élections en 1993 tout le monde le sait, j’ai refusé bien que les militaires disaient qu’ils étaient avec moi. J’ai dit que je ne suis pas venu pour gouverner les cimetières. Donc si je voulais une présidence à vie, j’allais commencer à être président en 1993.

Oui, Alpha Condé a été condamné à mort par Sékou Touré ! Aux historiens le défi est lancé d’établir les circonstances, le tenants et abrutissants d’une telle condamnation. Oui, Alpha a fait la prison. Au temps du Général Conté. Il faut le préciser ! Mais Alpha a-t-il gagné les élections de 1993 ? Tout le monde le sait-il ? Non, il ne les avait pas gagnées. Ceux qui le savent ne sont pas tous morts. Le vote de Kankan et de Siguiri avait été annulé sur une base méchante mais logique. Siguiri a voté sans isoloirs. A ciel ouvert. Le jour du scrutin, Kankan a réclamé à Gomez, ministre de l’Intérieur de l’époque, des bulletins de vote pour le RPG et le PUP, sous prétexte qu’il en manquait. Les bulletins ont été aussitôt expédiés à Kankan, par hélicoptère. Et les autorités régionales de couper la poire en deux : le lot du RPG a été distribué dans les bureaux de vote, celui du PUP, soigneusement rangé dans un magasin. Même les enfants de bas-âge ont eu le loisir de voter RPG. L’affaire a éclaté, qui a emporté le maire, feu Grand K, jusqu’à la prison civile. Indéniable : si Kankan et Siguiri n’avaient pas été annulés, Alpha Condé aurait mis Lansana Conté en ballotage. Pas plus. Indéniable : à Conakry, les camps Alpha Yaya Diallo et Samory Touré avaient majoritairement voté Alpha. Mais de là à inférer que le patron du RPG pouvait être installé au pouvoir relève de la légende. Les officiers pro-Alpha n’avaient pas toute la situation en main.

Aussi, M. Condé devait-il attendre les événements des 2 et 3 février 1996 pour tenter de ressortir la tête, rassuré qu’il est par le groupe d’officiers qui le soutenait : « Alpha au pouvoir, c’est maintenant ! » Lansana Conté ne dormait plus que d’un œil. Il fait démonter les batteries des blindés qu’il met sous bonne garde. Avant de s’embarquer pour Paris d’où il devait suivre le déroulement de la mutinerie, Alpha laisse à ses amis officiers une enveloppe conséquente destinée à l’achat des batteries de remplacement. On choisit celles des tracteurs. C’est le premier flop. Suivi du second peu après. Alpha avait demandé à ses futurs-ex mutins de proclamer la nouvelle république au nom du RPG. Le tollé a tôt fait de parvenir aux oreilles de Gomez. Signé de l’aile « légaliste » du même RPG. A la date d’aujourd’hui, les rancœurs ne se sont pas entièrement dissipées entre Alpha Condé et certains de ses délateurs de février 1996. Tout le monde le sait.

Diallo Souleymane