En Nouvelle Calédonie, ce dimanche 4 octobre 2020 ressemble presque à celui que les Guinéens ont vécu le 28 septembre 1958. Les péripéties de la décolonisation ont conduit les Kanaks à répondre à la question : « Voulez-vous, oui ou non, que votre colonie, la Nouvelle Calédonie, accède à l’indépendance nationale ? » Le 28 septembre 1958, sous les ovations de ce que l’Afrique et le reste du monde comptaient de progressistes, la Guinée a répondu oui à l’indépendance. En 2020, elle a oublié de célébrer cette date historique.

En 1975, la même France a posé la même question à l’archipel des Comores. La poire a été coupée en quatre. La Grande Comore, Anjouan et Mohéli ont dit oui à l’indépendance, non à la colonisation. Mayotte, aujourd’hui département français, a préféré rester avec Paris. Quarante-cinq ans après, suite à une lutte sans merci sous l’égide de feu Jean Marie Tchibaou (Paix à son âme !) et de ses amis nationalistes kanaks, la question coloniale revient sur le tapis, dans des termes souples et lénifiants : la Nouvelle Calédonie souhaite-t-elle aller « doucement » à l’indépendance ? Quatre référendums sont proposés, à l’issue desquels les Calédoniens seront fixés.

En fait, la souplesse et le pragmatisme ont fini par s’imposer à la France dans son processus de décolonisation. « J’ai dit, vous réfléchirez », avait conclu le Général de Gaulle dans son discours du 25 août à l’Assemblée territoriale de la Guinée Française, le siège actuel de la HAC. C’est en fin de compte tout le monde qui s’est mis à réfléchir. La Guinée n’a pas encore fini de tirer les conséquences de sa liberté dans la pauvreté, acquise suite au référendum du 28 septembre 1958. La France, itou ! Ce référendum-là était plus qu’un défi du genre à prendre ou à laisser. Aux Comores, la France a carrément mis de l’eau dans son vain…pour négocier le partage du territoire. Elle a pris Mayotte ; Ali Soilih, la Grande Comore, Anjouan et Mohéli. Le référendum aura été très réfléchi.

Pour la Nouvelle Calédonie, les accords de Nouméa ont prévu quatre référendums. Il y en a eu déjà trois : en 1987, 2018 et ce dimanche 4 octobre 2020. Il vient d’enregistrer 53, 26 % de non, la dernière consultation aura donc lieu dans deux ans. Ce sera le oui ou non définitif. Tout en douceur. Vous lirez ci-après, le déroulement de celui du 4 octobre rapporté par le correspondant de RFI en Nouvelle Calédonie ;

Quand on veut voter sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, il faut être patient. Dans le calme et sous un beau soleil, les files d’attente devant les bureaux de vote durent plusieurs heures depuis l’ouverture partout à Nouméa, la capitale. Les électeurs sont nombreux et déterminés. « J’ai voté « non » parce que je suis Français et je veux le rester, confie Kevin, 27 ans, qui vote dans le quartier pluriethnique de la Vallée des Colons. Je pense que le non va l’emporter. J’espère, surtout. Parce que sinon… je ne sais pas comment on va finir. »

Le « oui » à l’indépendance kanak, il faut aller le chercher dans un autre quartier : à Montravel, où se trouvent surtout des classes populaires et des représentants du peuple autochtone. Le vote indépendantiste est ici une question ethnique. Et la question de la mobilisation est très importante en raison des équilibres électoraux fragiles. Mel est Kanak, il a son drapeau et son tee-shirt Kanak. Son vote est une évidence : « Aujourd’hui, je vote « oui » pour que le pays avance mieux. De la paix, de la prospérité, dans le respect, le vrai respect. C’est tout, c’est simple. » Dans le bureau de vote de Rivière salée, fief indépendantiste, la mobilisation est maximale ; l’ambiance, à la fête. Les drapeaux kanaks sont partout. Des concerts de klaxons, commencé samedi 3 octobre, se sont poursuivis toute la nuit et continuent depuis ce dimanche 4 octobre. Difficile d’évaluer pour l’instant l’impact de cette mobilisation par rapport à 2018, mais même si l’indépendance n’est pas acquise, il suffira que les indépendantistes améliorent leur score du premier référendum pour fêter la victoire. En cas de victoire du « non », ils misent sur le troisième référendum, prévu dans deux ans. L’échéance inquiète beaucoup les loyalistes, ceux qui sont pour la France. Ils seront inquiets, même s’ils parviennent ce dimanche, à améliorer leur score.

Julien Sartre, RFI