Depuis qu’il est rentré chez lui lundi soir après s’être proclamé vainqueur de la présidentielle du 18 octobre, l’opposant et candidat de l’UFDG n’en est pas ressorti. Un important dispositif sécuritaire bloque l’accès à son domicile à Dixinn : pas d’entrée, pas de sortie. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mory Doumbouya, justifie cette assignation à résidence comme une mesure de sûreté, eu égard au climat de violences qui prévaut dans le pays, notamment à Conakry depuis l’annonce des résultats partiels de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), mardi soir 20 octobre donnant vainqueur le président sortant Alpha Condé dans les circonscriptions électorales de Matoto, Matam et Kaloum (Conakry), ainsi que dans la préfecture de Boffa. « Il s’agit des mesures de sûreté dans l’intérêt même du candidat et celui de la République. Il y a des velléités de représailles, des extrémistes des deux bords politiques. Il est du devoir de l’Etat d’aménager des mesures de sûreté pour éviter que le pays ne bascule dans un cycle de violences ». 

De la descente des services de sécurité au siège de l’UFDG

Pour justifier sa « victoire » au premier tour de la présidentielle, l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD) qui soutient la candidature de Cellou Dalein Diallo a projeté mercredi des statistiques et exposé les différentes stratégies ayant abouti à cette conclusion. Elle crédite son candidat d’un score de 53 % des suffrages contre 39 % pour Alpha Condé, candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel). Le soir de cette démonstration, entre 19 h et 20 h, les services de sécurité ont organisé une descente musclée au quartier général de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), à Hamdallaye CBG. « Cette descente musclée des forces de défense et de sécurité dans nos locaux avait-elle pour objectif de détruire les preuves de la fraude massive organisée pour permettre le passage en force du 3ème mandat ? », s’est interrogé Cellou Dalein Diallo sur sa page Facebook. 

Réponse du Garde des Sceaux, Mory Doumbouya : « Il est du devoir et des prérogatives des officiers de police judiciaire lorsqu’ils ont mandat du parquet compétent d’enquêter et de traquer tout fauteur de troubles. C’est ce que nous sommes en train de faire ». 

Aux questions de savoir ce qui a été saisi au QG de l’UFDG et s’il s’agit là d’une perquisition, le ministre de la Justice répond : « C’est trop prématuré de parler des résultats d’une saisine. Nous sommes dans une situation d’enquête, ce n’est pas devant la presse que je vais me mettre au risque de violer la loi. Nous attendons les résultats des opérations, le moment venu, le parquet compétent donnera la qualification qui convient ».  

 « Un logiciel tombé du ciel »

Le ministre des Affaires étrangères Mamadi Camara a qualifié de « logiciel tombé du ciel » le système informatique utilisé par l’UFDG pour parvenir à ses résultats, « qui a la capacité d’avoir accès à tous les bureaux de vote dans les villages les plus reculés, je ne sais avec quel réseau magique qui fait remonter des informations. C’est très grave et très dangereux. Cela peut être passible de poursuites judiciaires ». 

Le chef de la diplomatie guinéenne s’exprimait ainsi au sortir d’une audience qu’il a accordée au corps diplomatique accrédité en Guinée. Sur l’objet de cette invitation, l’hôte explique : « Nous leur avons rappelé que les observateurs de l’Union africaine et de la Cedeao ont déclaré que le scrutin s’est déroulé dans des conditions satisfaisantes et que nous attendons les résultats. Malheureusement, il y a eu une autoproclamation d’un candidat, alors que nous attendions la fin du dépouillement des résultats. Ce qui est à l’origine de toute cette violence que nous connaissons aujourd’hui. Les diplomates ont bien compris que la situation est grave ». 

Mory Doumbouya qui a pris part à la rencontre, tout comme le ministre de la Sécurité Damantang Albert Camara, de renchérir : « Nous ne sommes pas dans une République bananière, mais dans un Etat souverain qui a ses règles et en compétition électorale. Nous tenons donc au respect des lois et qu’aucune velléité de déstabilisation des institutions ou de troubles à l’ordre public ne sera toléré. L’Etat prendre toutes les mesures pour faire régner l’ordre et la sécurité dans le strict respect des lois ». 

Diawo Labboyah