Nos républiques se succèdent et tendent à se ressembler. Dans le mal.  Dans le crime gratuit qui mène à la dictature. Dans le silence coupable qui favorise l’éclosion de celle-ci. Dans l’indifférence quasi-totale de nos voisins. Dans l’hypocrisie de la fameuse communauté internationale. Tout le long de ses soixante-deux ans d’indépendance, le pays a compté de nombreuses républiques. Il paraît que nous en sommes à la quatrième, pour les convenances d’une horrible dictature qui frappe déjà à nos portes. Tout le monde la voit venir, mais comme d’habitude, les oreilles se ferment le plus hermétiquement possible, les  langues se lient le plus sournoisement possible ! Et, comme l’avait dit Aimé Césaire, « Les chiens se taisaient.» Un vrai drame.

Vous avez entendu Alpha Condé sur RFI, au micro de Carol Valade. La première valeur que le dirigeant accorde à toute sa lutte d’opposant historique se résume aux efforts parfois surhumains qu’il avait menés au sein de la FEANF pour que ces chiens-là ne se taisent pas. Pour que l’Afrique aboie pour chasser  ses oppresseurs. Pour que le méchant colon de Niane Tamsir Djibril soit dans l’obligation de partir. Afin que la Guinée en finisse avec la baïonnette et la dictature. Mais, force est de constater qu’après neuf ans, dix mois et dix-sept jours au pouvoir, c’est Alpha lui-même qui opprime, qui manie les instruments de l’injustice, les conséquences de la délation, les méfaits de la peur, la technologie de la faim, les vices du silence pour enfermer, embastiller des innocents. Dans l’impunité qu’il a tirée d’un passé que nous croyions à jamais révolu.  Où allons-nous ? Peut-être, ne sait-on même pas. Où en sommes-nous ? En pleine reculade ! Déjà !

La Guinée est familière avec des présidents qui reculent. A chacun son jour noir et ses misères gratuites. Sékou Touré, fort de son courage et de ses ambitions, avait  culminé avec les pendaisons du 25 janvier 1971. Mais, il n’avait que le certificat d’études primaires comme diplôme. Arrivent Lansana Conté et sa démocratie particulière. Le peuple de septembre s’y accroche indéfectiblement. Lansana s’en accommode pour réduire les cruautés de façon notable. Les forces vives, la jeunesse, les syndicats refusent d’abdiquer. Tous contre la dictature, y compris Alpha, Siradiou, Ba Mamadou et les autres ! Les révoltes se multiplient et s’enchainent.  En 2007, l’on a vu à Bambéto des jeunes manifestants ramasser les corps de leurs compagnons et se diriger, non pas dans la nature, mais vers les assassins pour continuer le combat. Conté, vous savez, n’était que militaire. Il a appris au moins à gérer l’adversité. Quand la démocratie résiste, il cède. Aussi ses jours noirs sont-ils moins tragiques. Au vu du sang, il négocie. Il enferme plus qu’il ne tue. Parmi ses victimes, des célèbres prisonniers comme Ba Mamadou, surtout Alpha Condé. Il y met la forme avant de vous envoyer en taule. Dans sa cruauté, il reste encore une toute petite place pour l’humain.

Nous voici encore dans la verve militaire de Dadis et de Sékouba. Massacres et attentats ne sont pas soldés que démocratie et liberté émergent du lot et projettent Alpha sur le devant de la scène. L’universitaire entreprend la lourde tâche de tuer la démocratie qui a tant résisté. Il caporalise les institutions et la justice, méprise la presse pour rester seul maître à bord. Il consacre ses deux mandats à martyriser les jeunes. Manifester et mourir deviennent des synonymes. Le progrès de l’écrevisse fait des progrès gigantesques.

Voilà son 3è mandat qui renoue avec la 5è colonne. Ce lundi 16 novembre, Ousmane Gaoual Diallo, Cellou Baldé et Étienne Soropogui, respectivement conseiller chargé de communication de l’Ufdg, ancien député de Labé, et président du mouvement « Nos valeurs communes » ont rejoint Chérif Bah à la Maison centrale de Conakry. Accusés de « détention et fabrication d’armes légères, association de malfaiteurs, détention d’armes de guerre entre autresCes arrestations viennent s’ajouter à celles de plus de 300 militants de l’UFDG, le parti à décapiter, suite aux échauffourées qui ont éclaté au lendemain du scrutin du 18 octobre. Ce lundi est bien noir. Peut-être même pour tout le pays. Ne serait-ce que par le silence qui accompagne les mensonges. Le même silence qui revient encore.

DS