« Gouverner, c’est prévoir, » disait Adolphe Thiers, avocat, ancien président de la République Française en 1871 « Gouverner, c’est choisir » disait Pierre Mendes France, président du Conseil français en 1954. Pour compléter les propos de Thiers, « Gouverner, c’est s’entourer des meilleurs,» disait François Mitterrand, président de la République Française en 1981. Et, pour donner une synthèse à ces assertions, pour leur éviter d’être des axiomes, voici ce que Jacques Attali pense de celui qui veut être président de la République. «Présider la République » ne s’improvise pas. Il y faut une connaissance approfondie du pays, une passion pour ses habitants, des compétences administratives et juridiques exceptionnelles, une analyse rigoureuse des enjeux stratégiques du temps, une considérable capacité de travail, une grande mémoire, une immense résistance physique. Et aussi du caractère, une grande maîtrise de soi, une faculté d’anticipation, des repères moraux, une disposition à reconnaître ses erreurs et à changer d’avis, enfin et peut être surtout, une vision du pays et du monde, et un projet suffisamment fort pour se permettre d’être indifférent aux critiques en acceptant, si nécessaire, une impopularité provisoire» Il conclut: « François Mitterrand avait tout cela » Alors Gouverner autrement, c’est:

  • Avoir un programme politique et un projet de gouvernance clairs, avec des politiques publiques à mettre en œuvre en corrélation avec le programme politique préalablement défini.
  • Adopter une méthode transparente de gouvernance fondée sur des règles et procédures de fonctionnement des pouvoirs publics inviolables et opposables à tout agent de la puissance publique, quelle que soit son appartenance politique ou sa relation affective ou personnelle avec le président de la République
  • S’entourer des meilleurs cadres avec une adéquation absolue des profils aux postes sur la base du catalogue des emplois de la fonction publique. Catalogue inviolable et unique moyen d’éviter de faire de l’administration un secteur informel. Or, sans administration viable et performante, il ne saurait y avoir de bonne gouvernance.

Ceci dit, la question est de savoir si le président de Guinée peut gouverner autrement lorsqu’il dit que : « Si un ministre ou autre cadre vous dit : c’est grâce à moi que vous avez eu votre nomination, dites-lui : « Je vais écrire au président et lui poser la question. En ce moment, ce mode de trafic aussi va finir.»

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé que ce sont les ministres qui proposent à la nomination. Celles-ci sont discutées et décidées en conseil des ministres avant d’être soumises à la signature du président de la République. C’est cela la première procédure à respecter.

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé que dans tous les États normalement constitués, les ministres choisissent leur cabinet et procèdent à leur nomination avec des obligations de résultats.

– Oui, il faut dire au Président Alpha condé que le respect de la séparation des pouvoirs donne à l’assemblée nationale le droit d’évaluer les politiques publiques et ,de ce fait ,interpeller les ministres et tout fonctionnaire sur la mise en œuvre de ces politiques publiques.

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé que l’indépendance de la justice confère à la Cour des Comptes la mission de contrôle a posteriori des comptes publiques et d’en produire rapport à l’attention de la représentation nationale et du président de la république. Étant du domaine public, ce rapport devrait être à la portée des citoyens.

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé que la territorialisation des politiques publiques est une condition du gouverner autrement, avec pour principe de nommer à la tête des territoires, des administrateurs civils ayant une expérience avérée du fonctionnement des institutions et pouvoirs publiques. Leur désignation est assujettie à une procédure rigoureuse de sélection.

– Oui, il faut dire à Monsieur Alpha Condé que l’autonomie de la banque centrale est indispensable à une bonne politique monétaire et du crédit . Et le conseil d’administration de la banque centrale doit être constitué que par des hommes du métier qu’ils soient des professeurs d’universités ou de haut fonctionnaires mêmes ayant fait valoir leur droit à la retraite .C’est une condition du « gouverner autrement »

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé qu’il n’appartient pas au président de la République de nommer les DAF des ministères. Ceux-ci ne sont que des chefs de division qui ne doivent pas  être plus forts que les ministres en raison de leur proximité avec le président. 

– Oui, il faut dire au Président Alpha Condé que la nomination des comptables publics doit se faire sur la base de critères objectifs qui les exposent à des obligations de redevabilité et à des sanctions positives ou négatives. Le militantisme ne peut être qu’un facteur de médiocrité et de pratique de l’impunité. 

Enfin, gouverner autrement, c’est définir des politiques publiques efficaces, c’est mettre en œuvre ces politiques publiques et laisser le libre exercice des organismes d’audits et d’évaluation de ces politiques publiques. Or, tout cela n’est possible que grâce à une administration viable et performante! C’est le socle de tout État. Si État, il y a.

Lansana Bangoura