Si les Guinéens avaient été un peu plus raisonnants, un peu moins manipulateurs, ils auraient à présent fini de ficeler la version définitive de l’histoire du 22 novembre 1970. Mais un demi-siècle de vie bien remplie, dimanche 22 novembre 1970 – dimanche 22 novembre 2020, ne nous aura pas permis d’étaler devant les jeunes générations les raisons profondes qui ont conduit la Guinée vers cette nuit des ténèbres. Or, nous ne savons même pas s’il s’agissait d’un débarquement de Guinéens qui avaient des colts à régler avec le régime de Sékou ou bien une agression portugaise destinée à recoloniser le peuple du 28 Septembre. Ce n’est malheureusement pas la transformation du pays en patrie incontestée de l’ethnocentrisme et de l’ethno stratégie qui résoudra le problème.

Des concepts contre nature se sont fait jour pour décrire les Guinéens qui y avaient pris part. Ces Anti-Guinéens ne sauraient être qu’à la solde de la soldatesque portugaise et de l’impérialisme international. Aucunement pour sauver des Guinéens colonisés par d’autres Guinéens. Je ne sais pas si les vrais Guinéens avaient pu obtenir, de Siradiou Diallo, d’Abou Soumah, du Commandant Thierno Diallo et consorts, la recette-miracle pour faire des Anti-Guinéens. L’on pourrait demander subséquemment à Alpha Condé si sa longue lutte contre la dictature des présidents guinéens avait fait de lui un Guinéen anti-président. Les événements du 28 septembre 1970 refusent de livrer tous leurs secrets à un peuple qui ne s’est pas essoufflé outre mesure à les percer. Les seules données qui sautent aux yeux relèvent de la mort. En fin de compte, le 22 Novembre aura été que l’hécatombe pour la Guinée et les Guinéens, Sékou Touré, le principal architecte.

Sassine l’avait dit : « Si Sékou a tué des Guinéens pour sauver la Guinée, je crains que les nouveaux dirigeants ne tuent la Guinée pour sauver les Guinéens ». Oui, le meurtre aura été l’image la plus fidèle, la plus juste que l’on ait pu associer à notre 22 Novembre. Les victimes expiatoires se sont retrouvées dans toutes les régions du pays, Toutes les religions, toutes les familles, tous les districts, tous les hameaux, toutes les couches socio-professionnelles ont, d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre, pleuré leurs morts en silence. Le 25 janvier 1971 au pont du 8 Novembre, on a pendu les meilleurs fils, les meilleurs cadres du pays. On a mobilisé des foules pour aller leur jeter la pierre. C’était le nouveau coup de sifflet pour intensifier les crimes. On a décidé de décentraliser les pendaisons. Le gibier de potence a été acheminé dans les diverses régions de la Guinée. L’on en a vu qui ont osé exprimer leur déception auprès du Responsable Suprême de la Révolution, le Président Ahmed Sékou Touré : malgré leur fidélité aux principes directeurs et instructions du Parti-État, ils se sont vu priver du plaisir de pendre « les contre-révolutionnaires, » ceux-là à eux affectés ayant rendu l’âme avant d’arriver à destination. En novembre 2020, avec le développement prodigieux de l’ethnocentrisme, l’on commence à soutenir que « les tueries de Sékou Touré auront été équitables du point de vue de qualité des personnes assassinées, mais en matière de nombre, le Fouta a payé le plus lourd tribut. » Pauvres de nous !

Diallo Souleymane