Ce 25 novembre, la ville de Labé avait décidé de répondre massivement à l’appel de l’UFDG et de l’ANAD « pour revendiquer la vérité des urnes, la justice pour ceux qui ont perdu la vie et la libération des prisonniers politiques ». Les responsables locaux de l’UFDG et de l’ANAD ont alors appelé à une marche pacifique. Leur rassemblement, débuté au stade préfectoral, le point d’arrivée de la marche, a été aussitôt dispersé par les agents des forces de l’ordre, principalement par des pandores. Les militants se tournent vers leur point de ralliement, au rond-point Hoggo-Bouro, dans le quartier Mairie. Peine perdue !

Puisque les agents, à bord de trois pick-up, armés de gaz lacrymogène ont dispersé les manifestants, au moment où Younoussa Baldé, responsable fédéral de la jeunesse de l’UFDG, s’époumonait pour haranguer la foule. En soutien aux détenus (El Hadj Ibrahima Chérif Bah, Mamadou Cellou Baldé, Ousmane Gaoual Diallo, Abdoulaye Bah, Etienne Soropogui), Younoussa Baldé leur disait que « la lutte ne doit pas s’arrêter, pour rien au monde. Notre seule façon de les honorer et de les soutenir, c’est de continuer cette lutte pour laquelle ils ont été injustement arrêtés. C’est ce que Labé a démontré aujourd’hui. Nous invitons les uns et les autres à rester tranquilles et à rester confiants, que notre victoire, la victoire de Cellou Dalein Diallo, sera reconnue. Il (Cellou Dalein Diallo) sera installé comme chef d’Etat, il sera installé comme dirigeant Guinéen, dans les jours à venir, dans les semaines à venir, plus tard, dans les mois à venir. Nous avons démontré à Labé qu’on n’a pas peur… Ils ont sorti des gendarmes, des policiers au niveau de tous les carrefours, pour tirer sur la foule, tuer les gens… » Et toc ! Son laïus est brusquement interrompu par une bousculade de militants, ayant aperçu les pick-up des agents de forces de désordre arriver, fonçant à tombeau ouvert vers le rond-point. C’est la panique, la débandade. Les pandores lâchent du gaz lacrymogène. La débandade prend de la hauteur, avec des cris de panique. Des manifestants y ont laissé leurs motos, faute de temps pour les décadenasser. Elles devaient former la tête du cortège, dès le départ qui était visiblement imminent.

Prenant leurs jambes au cou, d’autres manifestants ont tout simplement laissé drapeaux aux couleurs de la France et chaussures, sautant par-dessus les cours alentours. Le sauve-qui-peut se poursuit, un pick-up fonce dans le quartier, distribuant des bombes de gaz lacrymogène, en vois-tu, en voilà, roulant à tombeau ouvert dans les quartiers. Ainsi, la marche a été stoppée net. Il était 12h 26. D’aucuns accusent des militants de leur avoir jeté des pierres.

Paralysie, malgré tout

Si la marche est dispersée, Labé ressemble plutôt à une ville-morte. Au centre-urbain, le commerce reste fermé, quand-bien même de rares taxi-motos roulaient à la recherche de potentiels clients, quelques essenceries fonctionnaient. L’ambiance dans la matinée, en haute banlieue, était également morose. Dans les quartiers Doghol, Dombi, Daaka (réputé chaud à Labé), par exemple, certains commerces avaient ouvert. Des ateliers de couture, de soudure, de menuiserie, itou. La gare routière du quartier Doghora, d’où partent les teufteufs pour les préfectures de Tougué et Koubia, embarquaient même des passagers.

La veille, le gouvernorat et la préfecture avaient brandi à la Mairie qui avait « autorisé » la marche, le communiqué qui l’interdit, pondu par leurs patrons à Cona-cris. Les responsables de l’UFDG avaient décidé de passer outre. Avec la bénédiction et le zèle des agents des forces de désordre, la marché a été empêchée.

Mamadou Siré Diallo,
Envoyé partial à Labé