Reporters sans frontières (RSF) dénonce des faits graves et demande une enquête impartiale et indépendante pour éclaircir les circonstances de la mort d’un reporter stagiaire nigérian dont le corps a été retrouvé à la morgue près de deux semaines après son enlèvement par les forces de sécurité.
Dix jours après son arrestation, le journaliste Onifade Pelumi a été retrouvé mort dans une morgue de Lagos, la capitale économique du Nigeria, a annoncé son média. Le 24 octobre, le jeune reporter stagiaire de la chaîne en ligne Gboah TV, réalisait des interviews à Agege au nord de Lagos. Une partie des résidents de ce quartier était alors rassemblés pour tenter de récupérer des vivres stockés dans des entrepôts et initialement prévus dans le cadre de la lutte contre les effets de la crise sanitaire du coronavirus.
La toute dernière interview menée par le journaliste se termine brutalement par l’arrivée de forces de police. Selon Maître Lekan Egberongbe, l’avocat de la famille du journaliste joint par RSF, la police a alors dispersé la foule avec violence et arrêté le reporter. Selon le témoignage d’un collègue de ce dernier, présent sur place au moment des faits, Onifade Pelumi était bien vivant au moment où il a été embarqué. Dans les jours qui suivent, la famille qui pense à une arrestation fait le tour des commissariats de Lagos pour le retrouver. C’est finalement à la morgue de Ikorodu à plusieurs dizaines de kilomètres des faits que le corps du journaliste sera retrouvé et identifié en début de semaine. “Il porte une trace de balle”, a précisé l’avocat à RSF.
«Nous demandons l’ouverture d’une enquête indépendante, impartiale, rapide et sérieuse pour éclaircir les circonstances ayant conduit au meurtre de ce journaliste alors qu’il était aux mains de la police, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Comme nous le redoutions, le pire est arrivé et un nouveau cap vient d’être franchi dans le niveau de violences policières, notamment contre les journalistes nigérians. Il est absolument intolérable qu’un reporter perde la vie pour avoir couvert un rassemblement. Nous exhortons les autorités nigérianes à ne pas laisser ce crime impuni. »
Le 22 octobre RSF s’était déjà alarmé des violences perpétrées contre les médias et les journalistes qui émaillent les manifestations contre le gouvernement et contre les violences policières. Plusieurs médias avaient été incendiés et des journalistes violemment agressés en marge du mouvement répondant au hashtag #EndSARS (du nom d’une unité spéciale de la police nigérienne dédiée à la lutte contre le vol) sur les réseaux sociaux.
Il s’agit déjà du troisième journaliste tué dans le pays en marge d’un rassemblement ou d’une manifestation depuis un peu plus d’un an. En 2019 et 2020, deux journalistes, Precious Owolabi et Alex Ogbu, avaient été tués par balles dans l’exercice de leurs fonctions. Les auteurs n’ont jamais été identifiés.
Le Nigeria occupe la 115e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2020.
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