Après quatre mois de rassemblements, la tension monte en Thaïlande. « Douze personnes sont convoquées sur la base de l’article 112 du Code pénal », a indiqué l’association des avocats thaïlandais de défense des droits humains (TLHR). La loi sur les crimes de lèse-majesté, l’une des plus sévères au monde, punit jusqu’à quinze ans de prison toute insulte, critique, diffamation envers le roi ou un membre de sa famille, des forces armées. Elle s’étend au chien du Roi. Comme à Conakry, une manifestation était prévue ce mercredi 25 novembre. C’est finalement le plan B que les organisateurs ont fini par adopter. « Qu’est-ce que cela signifie, que la monarchie a déclaré une guerre totale au peuple ? », s’est interrogé le leader Parit Chiwarak, dit « Penguin », le Cellou Dalein du Royaume. Quelque douze personnes se trouvent déjà dans le collimateur du pouvoir. « Une telle attitude pourrait attirer encore plus de monde dans la rue », avertit ce turbulent Chiwarak.

Le mouvement pro-démocratie avait initialement prévu de marcher mercredi 25 novembre, vers le Crown Property Bureau (CPB), qui gère la fortune royale. Mais, pour éviter d’éventuels affrontements avec des ultra-royalistes, il a finalement décidé de se rassembler devant les bureaux de la Siam Commercial Bank, une des plus grandes banques du royaume dont le roi est à titre personnel l’un des principaux actionnaires. Les protestataires se montrent de plus en plus virulents envers la royauté dont il demande une réforme en profondeur, réclamant notamment un contrôle sur les gigantesques finances royales. Le roi Maha Vajiralongkorn a fait adopter une loi lui donnant un pouvoir total sur le Crown Property Bank. Auparavant, le ministre des Finances siégeait au conseil, assurant un semblant de contrôle de la part du gouvernement. BTP, banque, chimie, assurances, immobilier: le CPB n’est pas tenu de publier ses chiffres, mais les analystes estiment qu’il administre entre 30 et 60 milliards de dollars d’actifs, ce qui fait de la monarchie thaïlandaise l’une des plus riches du monde.

La semaine passée, la police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes contre des manifestants et six personnes ont été blessées par balles, des tirs dont l’origine reste indéterminée. La riposte des autorités intervient aussi sur le front judiciaire: depuis le premier rassemblement du 18 juillet, au moins 174 personnes ont été mises en examen pour « participation illégale à une manifestation » et au moins 46 sont poursuivies pour « sédition », un crime passible de sept ans de prison, précisent les défenseurs des droits humains. Là-bas au moins, les détenus n’ont aucune usine de fabrication d’armes légères.

(Avec AFP)