Qui n’a jamais remarqué le changement de comportement d’un collègue de service par exemple, après une promotion ? Il suffit parfois juste d’une petite parcelle d’autorité… « Tout pouvoir sans contrôle rend fou », a écrit le philosophe Émile-Auguste Chartier, dit Alain, dans son essai intitulé « Politique » (1934). Certes de façon générale, le pouvoir a quelque chose de grisant, de jouissif même. Le syndrome d’hubris fait référence à un pouvoir qui rend un individu fou. Il ne touche pas seulement que les acteurs politiques de notre monde. Seulement, comme c’est le domaine le plus visible, c’est pourquoi il est évidemment le plus exposé.

Le médecin et ancien ministre des Affaires étrangères britannique, David Owen, décrit cette pathologie dans un livre intitulé « The hubris syndrome : Bush, Blair and the intoxication of power ». Il évoque les maladies qui ont touché des chefs d’État, dont le pouvoir a complètement changé la personnalité. Quelques symptômes : narcissisme, arrogance, mégalomanie, perte de contact avec la réalité, intolérance à la contradiction, abus de pouvoir ou encore tendance à accorder de l’importance à sa « vision » sans évaluer les conséquences, etc. Il y a pas moins de 15 éléments simultanés chez un sujet permettant de confirmer qu’il est atteint de cette pathologie.

La critique serait le seul remède à cette maladie

Le très sérieux site internet, La Vie, cite des recherches du scientifique Ian H. Robertson, qui a étudié l’effet d’hubris sur des poissons vivant dans le Lac Tanganyika en Afrique de l’Est. La prise du pouvoir entraîne une réaction hormonale qui modifie l’organisme. Le chercheur explique que la situation est similaire pour l’être humain, dont le pouvoir décuple l’intelligence grâce à un apport de dopamine. Toutefois, il précise qu’une « quantité trop importante de dopamine aura des conséquences néfastes. Or, le pouvoir absolu inonde le cerveau de dopamine. Il crée aussi une addiction. »

La seule façon de résister au syndrome d’hubris serait donc d’évoluer dans un environnement où des personnes font des critiques sur nos actions. En clair, il faut de l’adversité ou accepter la contradiction. Car, les dangers du pouvoir une fois obtenu, met en péril les qualités qui ont permis de l’obtienir. En politique, les Suisses ont opté pour un système intéressant, selon Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences au Laboratoire des sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, en Suisse. « L’organe exécutif compte sept dirigeants, qui prennent la tête du pays à tour de rôle. Ce sont toujours des personnalités mornes, des gestionnaires dépassionnés qui ne donnent jamais dans la politique spectacle », dit-il. Cela pourrait peut-être expliquer la tranquillité de ce pays qui est l’un des plus stables au monde et bénéficie de la confiance de plusieurs grosses fortunes qui y déposent leur argent.

Une maladie qui nous guette tous

Le syndrome d’hubris s’étend au-delà de la sphère politique. Quand le pouvoir monte à la tête, il altère les fonctions mentales et peut changer des personnes à priori « normales ». Les personnes atteintes de cette forme de maladie se croient investies d’une mission importante dans laquelle elles pensent qu’elles ne devraient pas être freinées. Dans des milieux comme le show-business, le risque d’abus de pouvoir semble plus facilité, comme ce fut le cas pour le magnat américain Harvey Weinstein qui s’estimait visiblement au-dessus des règles ou pensait avoir une forme d’immunité. « Dans certains milieux, il n’existe pas de véritable distinction entre une personne et sa fonction, cela peut être le cas pour un sportif ou un artiste par exemple. On osera moins contester un abus de pouvoir « , ajoute Felix Bühlmann, professeur associé en sociologie à l’Université de Lausanne (Suisse). Pour lutter contre le syndrome d’hubris, il faut commencer par lutter contre notre tendance à admirer le pouvoir. Il faut donc une prise de conscience. Maintenant qu’on en sait un peu, si vous connaissez une personne dans votre entourage qui souffre de cette fameuse pathologie, vous saurez peut-être, désormais, comment l’aider.