La main droite levée, dans un boubou blanc visiblement ample, face aux membres de la Cour constitutionnelle, Alpha Condé a prêté serment ce mardi 15 décembre, pour un 3è mandat contesté, lui qui s’est battu près d’un demi-siècle pour la démocratie en Guinée. Alpha Condé sera installé dans ses fonctions de Président de la République le 21 décembre, a même annoncé le président de la Cour constitutionnelle, Mohamed Lamine Bangoura qui parle plutôt d’un premier mandat de la quatrième République.
La cérémonie de prestation de serment s’est déroulée dans l’enceinte du Palais Mohamed V, autrefois appelé Palais des Nations, devant 11 chefs d’Etats africains : Bah N’Daw du Mali, Julius Mada Bio de la Sierra Leone, Azali Assoumani des Comores, George Weah du Libéria, Mme Sahle-Work Zewde d’Ethiopie, Roch Mark Christian Kaboré du Burkina Faso, Nana Akufo-Addo du Ghana, Faure Gnassingbé du Togo, Mohamed Ould El-Ghazaouani de la Mauritanie, le Maréchal Idriss Déby Itno du Tchad et Denis Sassou N’Guesso du Congo-Brazzaville.
L’audience solennelle de la Cour constitutionnelle ouverte, Alpha Condé a été invité d’entrer dans la salle. Le rapporteur-conseiller de la Cour, Ansoumane Sako, a rappelé qu’Alpha Condé a été élu dès le premier tour Président de la République, par l’Arrêt N° AE014 du 6 novembre 2020, portant contestation des résultats provisoires du premier tour de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 et proclamation des résultats définitifs de ladite élection, avec 59,50% des suffrages exprimés. Il a aussi rappelé les fonctions du Président de la République indiquées dans la Constitution et qu’en conséquence «il est le Président de tous les Guinéens, condamné à être égal et juste pour tous, pour ceux qui lui ont apporté leurs suffrages ou non et ceux qui se sont abstenus. C’est dire que la fonction du président de la République est autant admirable par la grandeur qu’elle présente, qu’elle est effrayante par les vertus qu’elle exige et la responsabilité qu’elle impose.»
Ainsi Alpha Condé est appelé au prétoire, pour son serment : « Moi, Alpha Condé, Président de la République élu conformément à la Constitution, je jure devant le peuple de Guinée et sur mon honneur de respecter et de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, des lois et des décisions de justice, de défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale. En cas de parjure, que je subisse les rigueurs de la loi. » La Cour constitutionnelle en prend acte et promet de l’installer dans ses fonctions le lundi, 21 décembre 2020.
Mohamed Lamine Bangoura, le président de la Cour constitutionnelle, dans son intervention dithyrambique a rappelé à Alpha Condé que «ce jour de prestation de serment » est son « seul jour de gloire. Mais les autres jours, tous les autres jours, seront des jours de labeur constant, de soucis prégnants, où vous serez tout temps à éplucher des dossiers, à tenter à résoudre les problèmes du pays pour que la République de Guinée se porte bien. C’est pourquoi, en ce jour (inique sic) unique de gloire, à l’orée de votre prise de fonction à la barre du navire Guinée, la Cour constitutionnelle vous félicite et exalte votre détermination à édifier le pays émergent que vous vous êtes engagé à continuer à bâtir pour le bonheur et la prospérité du peuple de Guinée (…) »
D’arguer que le peuple l’a choisi pour les six prochaines années, comme « le premier Président de la quatrième République » et qu’il « demeure le seul et unique détenteur du pouvoir, (En français dans le texte) il le donne à qui il veut.» Malgré son « bilan » somme toute élogieux, « l’oblige encore à relever d’autres défis, aussi contraignant les uns des autres ». Pour les petites perles enregistrées, sûr que les observateurs ne manqueront pas de relever. Il s’agit, selon le Président de la Cour constitutionnelle de « remédier aux maux dont souffre la justice, aux fins d’une justice sociale , fournir aux Guinéens l’eau et l’électricité, permettre à chaque Guinéen de s’instruire et de se soigner à moindre coût, faciliter la circulation des personnes et leurs biens entre les différentes régions du pays, faire en sorte que le gain du pain quotidien cesse d’être l’obsession des Guinéens, favoriser l’auto-emploi des jeunes et des femmes, valoriser les pensions des retraités ». La liste n’est pas exhaustive. Selon Mohamed Lamine Bangoura relever ces défis permettra à Alpha Condé de « mener à bon port », une Guinée « émergente », qui pourra corroborer avec son slogan de campagne « Prospérité partagée. » Les Guinéens rêveraient du respect de la loi et de beaucoup de choses dont mettre fin à l’impunité.
Alpha Condé devrait « choisir les compétences d’où qu’elles viennent », pour « Gouverner autrement », avec zéro tolérance à la corruption, au copinage, à l’ethnocentrisme, au clientélisme, beaucoup de rigueur. Il s’attend surtout à la mise en place de la Haute Cour de Justice. Celle qui n’existe que dans la Constitution depuis 2010 et qui a la compétence de juger le Président de la République.
Il ne doute pas qu’Alpha Condé va « faire mieux, encore mieux, beaucoup mieux » que lors son précédent mandat. Il décuplera tout ce qu’il aura fait de bon. Et de faire un appel au dialogue politique et social. M. Bangoura espère qu’Alpha Condé appellera au dialogue les leaders politiques, la société civile, pas « forcément pour aplanir ses divergences avec eux, mais qu’ils comprennent que c’est avec eux » que la Guinée s’édifiera, « lentement mais sûrement (…) Le dialogue occasionnel est le médicament de toute crise, mais le dialogue permanent est le vaccin de tout conflit». Vaste programme ! Dans sa conclusion, le Président de la Cour constitutionnelle a souhaité au déclaré élu pour un 3è mandat à 82 ans, «bonne chance, beaucoup de succès, pour parvenir à combler les attentes du peuple de Guinée.»
Les mots d’Alpha Condé
Alpha Condé a remercié les 34 délégations venues de l’extérieur, malgré la pandémie Covid-19 qui malmène leurs économies. Et de dire aux Guinéens : «Je suis le Président de tous les Guinéens, au service de tous les Guinéens. Dans la réalisation de notre idéal commun, personne ne sera oublié, aucune partie du pays ne sera exclue. Chaque Guinéen aura sa place, car c’est ensemble que nous pourrons surmonter les difficultés d’aujourd’hui et relever les défis de demain. Je crois profondément aux vertus du dialogue et de la concertation et j’ai acquis, depuis longtemps, la conviction que la Guinée se fera avec tous les Guinéens. Mais chacun doit respecter la loi et bannir de ses propos et de ses actes la violence de notre environnement, afin que notre pays demeure une société de liberté et de responsabilité … Pour cela, j’exhorte chacun d’entre vous à oublier le passé qui divise au profit d’un avenir d’unité et d’espérance », a-t-il clamé, lui, qui a encore promis de « gouverner autrement » la Guinée.
L’Alphagouvernance aura longtemps attendu Alassane Dramane Ouattara, Président de la Côte d’Ivoire, qui a aussi prêté serment le lundi 14 décembre, pour un 3è mandat contesté. Si Alpha Condé était préoccupé à recevoir ses hôtes de marque, ADO, lui, l’était aussi, pour raccompagner les siens. Match nul, zéro partout.
Mamadou Siré Diallo