Le septennat de feu Valéry Giscard d’Estaing a connu un certain nombre de couacs et critiques Le journal satirique, Le Canard Enchainé, a eu un œil particulièrement perçant sur sa gouvernance. Ministre des Finances dans le gouvernement de Georges Pompidou, Giscard s’est vu obligé de consentir à une dévaluation du franc français de 11,04 % à 5,55, malgré une opinion publique farouchement défavorable. Et le Canard balance sa grosse manchette : La dévalérysation de la monnaie à pompidouze pour cent. 

Président de la République française, Giscard a essuyé le sarcasme du satirique doublé d’attaques qui ne seraient pas restées « impunies » sous d’autres cieux, en tout cas, pas sous nos célèbres tropiques. Le plus innocemment du monde, le Canard apprend aux Français que Bokassa avait donné des diamants à Giscard quand il était ministre des Finances. Le Chef de l’Etat français sort de ses gonds. Non seulement il fait envoyer une inspection de finances « approfondie » au satirique, mais il promet ferme que les choses n’en resteraient pas là. La semaine suivante, le Canard aggrave tout. Affirmant haut et fort que Giscard a reçu des pépites même quand après avoir été élu président de la république. Le Président du Sénat de l’époque, Alain Poher, a également vu son nom sur la liste des diamantaires de Bokassa. Le Canard n’a pas démordu. La liberté d’informer, non plus.

En décembre 1978, contre toute attente, Valéry Giscard d’Estaing rend une visite officielle au Responsable Suprême de la Révolution guinéenne. Il est reçu plus qu’un prince. En compagnie entre autres, de Sékou et de Lansana Béavogui, à l’époque Premier Ministre, Giscard sillonne le pays. A Labé, la bourde est salutaire. Le Secrétaire fédéral du Parti-État, Amadou Dieng, délivre le souhait de bienvenue. Dans sa réponse, Giscard mélange les pédales. Il commence l’allocution par « M. le Gouverneur ! » Or, le gouverneur, c’est le préfet actuel, non le secrétaire fédéral du parti. Sékou Touré décide que l’hôte de marque ne saurait se tromper. Il nomme Amadou Dieng Gouverneur sur le champ. Personne n’est fâché, sauf peut-être celui que Dieng va remplacer. Mais, s’il est garçon, il n’a qu’à le montrer.

Le dernier couac du septennat n’a pas été commis par Giscard lui-même, mais par ses amis de la presse française… de droite. Battu à la présidentielle du 21 mai 1981, Giscard cède son fauteuil à François Mitterrand, à quelque quatre mois de l’inauguration du Train à Grande Vitesse Paris-Lyon. Le 27 septembre 1981, Mitterrand inaugure le TGV au grand dam de certains médias qui y voient un petit manque de reconnaissance envers Valéry Giscard d’Estaing. Plus d’une manchette tombe le lendemain de l’inauguration : TGV de VGE. Les rectifications n’ont pas tardé non plus : ce n’est pas Giscard qui avait initié le projet de TGV, c’est Georges Pompidou. Mais tout le monde était d’accord qu’au moins-là, la bourde ne venait pas de Giscard. Paix à son âme !

Ci-dessous, le discours intégral de Giscard à l’issue de sa visite officielle en Guinée, prononcé le 22 décembre 1978 au Palais du peuple à Conakry.

DS

Déclaration de M. Valéry Giscard d’Estaing, à l’issue de sa visite officielle en Guinée

Palais du peuple, Conakry, le 22 Décembre 1978

Monsieur le président de la République populaire révolutionnaire Ahmed Sékou Touré de Guinée, je voudrais à mon tour vous dire merci. C’est d’ailleurs une déclaration encore plus naturelle de la part de l’invité que de la part de l’autre. Je vous remercie vous-même, et je remercie monsieur le premier ministre, Lansana Béavogui, les membres du gouvernement, les membres du bureau politique et aussi la population des villes et des régions de Conakry, de Kankan, de Faranah et de Labé. Et je les remercie pour la qualité et pour la nature de leur accueil. Et je me réjouis d’ailleurs que de cet accueil ait des témoins, mesdames et messieurs les journalistes qui m’ont fait dans ce voyage l’honneur de m’accompagner. La nature: nous avons vu l’effort d’organisation de votre parti et de votre peuple et en même temps la qualité : parce que la limite de l’organisation, c’est parfois de ne pas permettre à la spontanéité de paraitre et dans ces rencontres, nous avons vu sur les visages, dans le ton des voix, le choix des mots qui étaient choisis pour les acclamations, nous avons senti une volonté d’entente et d’amitié du peuple guinéen vis-à-vis du peuple français politique étrangère, relations franco – guinéennes, une rencontre, c’est toujours émouvant et c’est beaucoup plus émouvant lorsqu’elle se produit vingt ans après 1958, date de l’indépendance.

Monsieur le président de la république, le temps passe vite. En vous écoutant tout à l’heure, je me disais mais la réconciliation, c’est déjà hier et le problème pour nous, c’est de donner un contenu, une densité aux nouvelles relations que nous avons voulu établir entre nos deux peuples. Le communiqué qui a été lu tout à l’heure décrit à mon avis, de façon excellente, ce que doit être le contenu de ces relations. Et donc je ne rentrerai pas dans le détail de chaque rubrique. Je fais simplement à mon tour, après vous, quelques commentaires. D’abord sur le plan des relations bilatérales, j’ai toujours pensé que les relations bilatérales entre tous les États mais en particulier entre les États qui pratiquent la coopération, que ces relations devaient être marquées très fortement d’un sceau égalitaire. Pas plus que les individus ne l’acceptent dans le monde moderne, pas plus les États, quel que soit leur type de développement ou d’organisation sociale, ne peuvent admettre à l’heure actuelle, l’inégalité dans les relations et c’est pourquoi je considère que nos relations doivent être fondées sur un principe d’égalité et vous y avez ajouté un autre principe qui est celui de la réciprocité des intérêts, non pas des intérêts au sens le plus sordide, mais je veux dire des intérêts dans l’action qui est conduite de part et d’autre. Lorsque nous déciderons de choses à faire ensemble, nous devrons prendre en considération non seulement notre propre intérêt, mais aussi et chaque fois l’intérêt de l’autre et c’est ainsi que je souhaite que se développe entre nous un certain nombre d’actions de coopération de politique étrangère, des relations franco – guinéennes. Mesdames et messieurs les journalistes, et aussi les militants de votre parti, aimeraient en connaitre le détail. Nous ne pouvons pas ici en établir les différentes rubriques. Nos porte-paroles le feront tout à l’heure. Ce que nous avons fixé, c’est d’abord un calendrier, un calendrier relativement serré puisque c’est avant le 1er mars 1979, c’est-à-dire dans environ deux mois que doivent s’ouvrir les négociations portant sur les différentes conventions que nous devons établir en premier. D’autre part, nos ministres ont déjà étudié un certain nombre de secteurs dans lesquels pourront se développer à bref délai et je vous dirai même à très bref délai une coopération utile pour les deux pays. Si bien que derrière notre rencontre, monsieur le président de la république, il y aura le suivi des faits et à la fois sur le plan des accords et sur le plan des décisions, cette coopération sera rapidement vivante.

Ma deuxième réflexion, c’est que nous n’avons pas limité nos entretiens à nos relations bilatérales. Nous faisons partie du monde et nous voyons bien que le monde à l’heure actuelle, est un monde en grand et rapide changement, il est donc important que tous les partenaires se rencontrent pour étudier les conséquences, les modalités, les perspectives de ces changements. Et je crois qu’il y a place pour un dialogue très intense que je souhaite voir se développer, que je souhaite un jour voir s’organiser entre l’Afrique et l’Europe. Et il y avait dans notre rencontre, un caractère symbolique du point de vue des idéologies de nos organisations politiques, économiques et sociales, du point de vue de notre appartenance, l’un à un continent en développement, l’autre à un continent industrialisé, il y avait une indication de ce que doit être la recherche sous une forme plus avancée, plus complète d’un dialogue entre l’Afrique et l’Europe. Enfin je voudrais dire que nous nous sommes entretenus de tous les sujets quels qu’ils soient dès lors que nous y portions, l’un ou l’autre, un intérêt qui justifiait que nous l’évoquions.

Monsieur le président de la république, voici donc une étape franchie et il y en aura une autre, ce sera à votre tour, votre rencontre avec le peuple français. Je souhaite que vous le sentiez après vingt ans d’absence et donc les couleurs riantes que la jeunesse doit donner à vos souvenirs. Comme un peuple en progrès, un peuple démocratique, qui choisit la voie de son évolution et de son changement, qui soutient ceux auxquels il a donné sa confiance et qui peut être pour la Guinée, un partenaire loyal, ouvert et sûr.