Après avoir raté de peu le Prix Goncourt, la Camerounaise Djaïli Amadou Amal vient de décrocher le Prix Goncourt des Lycéens. Encore une fois, le Cameroun porte haut les couleurs de l’Afrique. Ce grand et beau pays nous a toujours honorablement représentés aussi bien en littérature qu’en sport et musique. En politique aussi puisque le pays d’Um Nyobé fut avec l’Algérie, les seuls à ouvrir des maquis pour lutter contre la colonisation française. Les autres colonies se contenteront de sucettes, je veux dire d’Indépendances octroyées par le biais des décrets de circonstance et du verbiage radiophonique. Malgré ses dérives dictatoriales, Ahmadou Ahidjo, le premier président, réussira tout de même deux choses qui feront le socle du Cameroun moderne : l’unité nationale et l’épanouissement rural. Ce qui est en soi une prouesse. Pas facile en effet de tenir sous le même toit plus de 70 ethnies, de brider un territoire aussi bien francophone qu’anglophone et qui a subi une triple colonisation : allemande, anglaise et française. Pas facile non plus dans un continent où la plupart des politiques agricoles se sont révélées désastreuses, de nourrir correctement et les Camerounais et une bonne partie de l’Afrique Centrale.

En matière de football, tout le monde sait ce que notre continent doit au pays de Milla, de Samel Eto’o, d’Omam-Biyick, de Joseph Antoine Bell et des autres. Le prodige Yannick Noah fut le premier Africain d’origine à remporter Roland Garros, brisant du coup l’image très négative que l’immense majorité des Français portait jusque-là sur la race noire. Sans Manu Dibango, la musique africaine aurait-elle connu le succès qu’elle a aujourd’hui ? Certainement non ! Soul Makossa (plagié d’ailleurs par Michael Jackson !) fut la première chanson africaine à devenir un tube dans les radios et dans les discothèques de l’Europe et des Etats-Unis. Et Sam Fan Thomas et Patrick Boma et Francis Bebey alors ? Ce dernier que j’ai très bien connu était connu du monde entier pour ses textes soignés et ses accords de guitare très sophistiqués. Je me souviens avoir assisté au début des années 90 à un de ses concerts dans un amphithéâtre de Casablanca. Je fus étonné et ravi de constater que les Marocains connaissaient son répertoire par cœur.

Mais c’est dans le domaine littéraire que la contribution camerounaise est la plus éclatante. Eh oui, c’est le pays natal de Mongo Béti et de Ferdinand Oyono, ces monstres sacrés que l’on considère à juste titre comme les pères fondateurs du roman africain. C’est aussi celui de Patrick Nganang, de Yodi Karone, d’Eugène Ebodé, de Calixte Béyala, de Léonora Miono et de Francis Bébey. Francis Bébey (encore lui !) n’était pas qu’un musicien. C’était aussi un musicologue et surtout, un grand écrivain aussi bien un bon romancier qu’un excellent dramaturge. Depuis le 30 novembre dernier, s’impose d’ajouter que c’est aussi le pays de Djaïli Amadou Amal. En s’attribuant le prestigieux Prix Goncourt des Lycéens, cette brillante jeune femme a redoré le blason des lettres africaines. Elle confirme ce que je pressentais déjà : la littérature féminine est devenue de fait la grande artère de la littérature négro-africaine.

Bravo Djaïli et bonne continuation !

Tierno Monénembo