Le 22 janvier 2007, les Centrales syndicales et les organisations de la Société civile du bled ont déclenché une grève sur toute l’étendue du trottoir national. Ils exigeaient un changement dans la gouvernance politique et démocratique après 23 ans de gestion de feu général Lansana Conté, caractérisée par la corruption, l’impunité et la pauvreté malgré toutes les richesses dont regorge la Guinée. Les forces de désordre ont étouffé la marche au niveau du Pont 8 novembre. Le bilan est lourd : 186 morts, 1 188 blessés graves, 940 arrestations et détentions arbitraires suivies de tortures et de traitements inhumains et dégradants, 28 cas de viols sans oublier des destructions d’édifices publics et privés.
Ce 22 janvier 2021 marque le quatorzième anniversaire. Dame Fatou Baldé, activiste de la société civile guinéenne et prési du COFEL (Coalition des femmes leaders), invitée de l’émission Œil de Lynx, dit avoir de tristes souvenirs de cette journée. Selon cette nounou, cette crise qui a atteint le sommet en 2007, est une crise qui est partie de 2002. «Depuis le jour où le président feu général Lansana Conté, a décidé de manière unilatérale, avec un groupuscule d’individus, de changer la constitution et de se maintenir au pouvoir, il a perdu toute légitimité. Les leaders politiques de l’époque qui étaient foncièrement opposés au changement de constitution ont invité les citoyens à boycotter et à voter non au référendum. En l’occurrence Jean Marie Doré, Alpha Condé, Bah Mamadou, Siradio Diallo, Bah Oury et d’autres qui ont combattu jusqu’à la dernière énergie mais avec un groupuscule d’individus qui ne défendait que ses intérêts personnels». Certes le feu Général Lansana Conté, a réussi à se maintenir dans son fauteuil mais depuis ce jour aux dires de dame Baldé, «jusqu’à sa mort il n’a plus eu de sérénité».
A suivre l’histoire politique de notre pays, dame Baldé affirme que l’histoire de notre bled est émaillée de violence. «Un État violent vis-à-vis de ses citoyens. Notre histoire est émaillée de violence et de tragédie. Chaque régime a constitué des martyrs et des héros. Ce n’est pas Lansana Conté seulement mais c’est comme ça. De 1958 à 1984, il y a eu une catégorie de violences. En 1985, au lieu d’ouvrir un dialogue pour situer les responsabilités, le régime en place a assassiné la majeure partie de la classe dirigeante. En 1996, des civils ont été tués. En 2000, on est passé aux agressions rebelles. Et de 2010, à aujourd’hui on dénombre combien de morts ? Des morts dont on pouvait se passer, c’est dommage», regrette dame Baldé.
Elle poursuit : « dans tout ça, il faut quand même se dire une chose. On lutte pour l’instauration d’un État de droit ou des individus tentent d’arrêter de guider le destin de toute une nation. C’était le combat. Quand vous parlez de justice, vous savez que les instruments juridiques évoluent. En 2007, il y a des instruments qui n’existaient pas. C’est pourquoi les crimes de 2007 et celles de 2009, ne peuvent pas être à la même enseigne parce que tout simplement entre 2007 et 2009, le conseil de sécurité des Nations Unis avait voté une résolution additionnelle qui incrimine le viol en temps de guerre comme crime de guerre et crime contre l’humanité. Donc en 2007, cette résolution n’existait pas, c’est pourquoi les 2 crimes ne peuvent pas être traités sous la même enseigne». Les organisations de la société civile ont été très actives « on a pu recenser les morts, les blessés, les biens détruits. Un dossier a été constitué depuis 2010 et mis à la disposition du FIDH et l’OGDH pour pouvoir le porter au niveau des juridictions internationales».
En tant que croyante, dame Baldé croit dure comme fer que ses crimes ne resteront pas impunis, car dit-elle «la société évolue, un jour viendra, les responsabilités seront situées ; Certes on ne va pas tuer tous ceux qui ont tué ces gens mais ce sera de mettre en place des mécanismes permettant que cela ne se répète plus. Et que les guinéens se parlent, s’acceptent et apprennent à vivre dans un climat apaisé où l’Etat ne va plus tuer ses citoyens pour un oui ou pour un non», conclut-elle.
Kadiatou Diallo