Invité de Lynx Fm, Pr Alpha Ousmane Barry, enseignant-chercheur dans les universités françaises, clame que la Guinée s’enfonce dans une profonde crise. «Depuis les élections et depuis que le Premier ministre a démissionné», il est «impossible» au président Alpha Condé de «constituer un gouvernement. Cela présuppose justement qu’il y a une crise profonde notamment et cette crise est marquée essentiellement depuis 10 ans par une crise morale. Donc, le recul des valeurs est une crise qui concerne bon nombre d’aspects, concernant la violence exercée sur la population, la mauvaise gestion. Ce sont des exemples d’une crise assez profonde qui affecte la situation guinéenne et qui nous préoccupe.»
Illustré «la crise morale», pour professeur Barry le manque de respect de la femme. «Comment se fait-il que des forces de l’ordre utilisent des femmes enceintes comme bouclier ? C’est cela la crise morale, c’est cela l’Etat naturel, c’est cela la violence». Le rôle de l’Etat est de «protéger les citoyens et non d’exercer une violence, mais tout se passe comme si on était des animaux. C’est ce qu’on appelle l’État naturel, c’est cette sauvagerie-là, c’est ça la crise morale, c’est ça la crise des valeurs. Il y a un mercantilisme qui s’est installé en Guinée de façon extraordinaire. Au lieu de servir le pays, on se sert du pays pour s’enrichir (…) La Guinée n’était pas comme ça, il y a 10 ans, c’est un fait récent, cette violence qui caractérise les Guinéens aujourd’hui. Notamment, les violences verbales, physiques, morales», a fustigé M. Barry.
Pour lui, il faudrait un travail énorme en partant des deux : «Premièrement, changer les mentalités, c’est-à-dire des idéologèmes qui sont tapis dans les esprits humains. Deuxièmement, changer les habitudes. Ce sont des habitudes qui sont déjà ancrées et donc il faut travailler en se mobilisant, afin de changer cette situation. Personne ne viendra de l’étranger pour changer la situation de notre pays, il faudrait qu’on se mobilise pour dire non à la violence, non à la mauvaise gestion, non à l’opposition des Guinéens les uns aux autres, sur le plan ethnique par exemple.»
Éduquer la jeunesse
Professeur Alpha Ousmane Barry a insisté sur l’éducation de la jeunesse, l’ethnocentrisme, le régionalisme. Il a expliqué : «Il y a des problèmes qui existent chez nous en Guinée, peut être qu’ils sont exacerbés, mais ils existent aussi dans d’autres pays africains. Le communautarisme politique, cela n’existe pas qu’en Guinée seulement, ça existe aussi ailleurs, sauf que c’est plus exacerbé en Guinée. Donc, il y a un travail en profondeur d’éducation de la jeunesse, pour faire comprendre à tout Guinéen qu’il vient de telle région ou de telle autre, qu’il appartient à telle communauté ou à telle autre. Du reste, les Guinéens en soi ne sont pas communautaristes, ce sont les acteurs politiques qui les opposent. Peulhs, Malinkés, Soussous, Forestiers ou autres ne se battent pas en Guinée, ce sont les hommes politiques qui les opposent. C’est là qu’il y a le travail à faire. L’autre travail, en outre, à faire, c’est l’éducation des forces de l’ordre, pour leur dire qu’ils ne doivent pas tirer à balle réelle sur l’enfant d’autrui et aller dîner tranquillement en famille». Vaste programme, dans les comètes !
Kadiatou Diallo