La formation du «nouveau» gouvernement continue de susciter des réactions. A l’intérieur comme à l’extérieur du bled. Amadou Sadio Barry, professeur de philosophie au Canada, invité d’Œil de Lynx de ce 2 février, a fait le poing sur la formation du «nouveau» gouvernement du Premier ministre, Ibrahima Cas-Sorry Faux-fana. Il a rendu hommage aux victimes de la répression des manifs et à celles qui sont mortes en détention. «Ce gouvernement repose tout d’abord sur un contexte d’illégalité, né qu’il est d’un changement constitutionnel qui a été largement contesté par la population guinéenne et d’une élection présidentielle chaotique et violente, suivies d’exactions commises par les forces de sécurité qui ont créé un contexte où des jeunes se sont livrés à des abus».
Et de mettre le pied dans le plat : «Le nouveau» gouvernement, pour ma part, n’est pas vraiment nouveau, c’est une continuité. Il faut voir dans cette façon de procéder d’Alpha Condé et de certains des promoteurs du 3ème mandat, une volonté délibérée de ne pas s’attaquer à la problématique du pouvoir politique. La mise en place d’institutions démocratiques favorables à une alternance pacifique a été évitée. Donc, je ne parlerai pas en terme de nouveau gouvernement, je verrai plutôt une continuité du système politique qui a du mal à asseoir un pouvoir légitime, fondé sur la souveraineté du peuple», tranche le philosophe.
M. Barry invite à voir l’incapacité des acteurs et décideurs politiques en Guinée depuis 1958, à assurer une réelle alternance. Avant de parler de gouvernement, il faut se demander si la Guinée est d’abord un pays politiquement constitué. «Il y a un gouvernement lorsque la population s’entend sur la manière dont elle compte vivre, ou sur la façon dont elle compte organiser son existence sur un territoire donné. On gouverne quoi ? On gouverne des populations, une armée ou une société politiquement organisée. Est-ce une société organisée sur des principes qu’on pourrait autonomiser autour d’un intérêt public ?» M. Barry estime qu’il n’existe pas d’intérêt public dans le sens du bien commun autour duquel organiser notre vie commune et procéder ainsi à une redistribution, par exemple, équitable des revenus économiques, issus de l’exploitation minière par exemple. «Avant même de parler du type de gouvernement, il faudrait considérer le type de société dans laquelle nous voulons vivre. Il y a une manière de s’organiser en politique qui consiste à avoir un idéal de puissance et une capacité de mobiliser l’ensemble des ressources intellectuelles et humaines pour servir cet idéal.» Vaste programme !
Kadiatou Diallo