Le Président de la République a entrepris une série de visites inopinées dans certains départements ministériels et stratégiques du pays. A la Direction Nationale des Impôts, au Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation, ainsi que dans d’autres, il a fait le constat de plusieurs absences parmi les cadres. Les lendemains, il y a eu un afflux de cadres et fonctionnaires vers leurs ministères respectifs. A présent, de bonne heure, de longues files d’attente se dressent, les voitures se suivent et chacun veut être à son département avant 8 heures.
L’administration guinéenne doit être efficace et pour cela, les assiduités et ponctualités doivent y être encouragées. Le Président de la République semble s’inscrire dans cette perspective sauf que l’efficacité de sa méthode est à interroger. En effet, le Président de la République rame à contre-courant. Comment peut-il ignorer la réalité qui est que les ministères ne disposent pas de moyens de déplacement en nombre suffisant ou opérationnels pour le transport de leurs personnels. Comment peut-il ignorer que plusieurs fonctionnaires et cadres des ministères habitent à plusieurs kilomètres de Kaloum et qu’ils sont confrontés même en quittant tôt leurs domiciles au problème de transport, aux embouteillages. En effet, ils doivent attendre plusieurs minutes et souvent des heures pour trouver des taxis ou minibus allant dans leurs destinations. Je n’ai pas la prétention de dire la vérité, pour confronter mes dires à la réalité, je suggère au Président de la République de faire l’expérience de se rendre à son bureau de Sékhoutouréya à partir de Lansanayah. Il pourrait y quitter à 6 heures du matin. Même avec son cortège, il ne sera pas au bureau avant 8 heures.
Par ailleurs, en ayant des salaires bas, ne couvrant pas leurs besoins physiologiques, l’assiduité dans leurs départements devient une charge financière supplémentaire. Le Président de la République se méprend quand il pense conduire à l’assiduité et à la ponctualité en s’intéressant aux seuls responsables des ministères et départements stratégiques. Si les salariés d’un département ne viennent pas au travail ou y arrivent en retard, la mission assignée à leur département ne sera jamais accomplie. La présence de tous les salariés d’un département devrait être exigée, cela est une indication de bon sens. Encore, le Président oublie qu’il y a des fonctionnaires qui ne peuvent pas venir au travail. Ils ne relèvent d’aucun département, ils disent ne pas être « postés ». D’autres n’ont pas de bureaux, quand ils viennent au travail, le sureffectif empêche les ponctuels de trouver un climat propice au travail de qualité. Ceux-là doivent acheter des bureaux, des chaises je ne sais avec quel salaire et doivent attendre qu’on leur confie une tâche à exécuter. Dans nos ministères, le grand lot du travail est abattu par une minorité de personnes pouvant tout faire même en restant chez elles tant notre administration ne se fixe aucune ambition. La présence des autres n’est qu’une figuration.
L’essentiel de la vie administrative et financière du pays se tient à Kaloum comme il y a 60 ans. Conakry grandit, éclose à l’infini et les problèmes de mobilité se posent. Les routes sont les mêmes depuis plusieurs décennies, les moyens de déplacements communs publics aussi. Conakry n’a pas de Tramway, il n’a pas suffisamment de bus pour les transports en commun. Il vit le rythme des embouteillages. Si tout le monde partait au même moment à Kaloum, il n’y aura pas suffisamment de moyens de transport pour tous. Le Président de la République ne pourra pas tout contrôler à travers les visites inopinées et même les inspections. Il a des réformes plus grandes à porter. Le contrôle de présence au travail peut se faire sans populisme. Il suffira que notre administration se mette au pas de la modernité. Le pointage par empreinte digitale existe ailleurs, cette solution pourrait être essayée. Kaloum doit être désengorgé, certains ministères pourraient quitter le centre-ville pour la banlieue. C’est le cas des ministères comme l’industrie, le commerce, l’agriculture, de l’aménagement du territoire, etc.
Du point de vue de l’opinion, les tâches d’un Président de la République sont si nombreuses et variées que le voir en personne dans les bureaux des départements pour des contrôles inopinés donne l’impression qu’il s’ennuie à ne rien faire dans son palais. Car un bon Président, un bon leader aurait confié cela à son Premier Ministre ou à une équipe d’inspecteurs de la fonction publique.
Oumou Kadé Soumah, Présidente de la NGP