Opposant historique, Alpha Condé était proche de plus d’un chef d’État africain, le plus connu étant feu Omar Bongo du Gabon. Dans la dernière édition d’Afrique Magazine, la plus proche collaboratrice de celui-ci, Laura Olga Gonjout, lève un coin de voile sur les tractations qui se menaient pour tenir Alpha à distance en vue de «protéger» le chef de l’Etat gabonais.

En 1994, avait lieu un sommet de l’OUA à Tunis. Alpha Condé, opposant au régime guinéen, vint dans la capitale tunisienne et fit en quelque sorte partie de l’entourage du président Bongo. Il tenait à assister à toutes les audiences du Président de la République gabonaise. Nous ne pouvions accepter de l’introduire dans la confidentialité des affaires présidentielles. Nous devions protéger le président qui ne pouvait le faire lui-même. Il prétextait apprendre la fonction présidentielle. J’étais chargée de l’empêcher d’accéder aux réunions. Assistait à ce sommet, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Moustapha Niasse. Je lui demandai de m’aider dans cette tâche. Que M. Condé vienne le saluer, discuter en dehors des réunions, pas de problème.

Je sais que M. Condé n’avait rien voulu entendre. Nous avions programmé un petit-déjeuner de travail entre le président guinéen, Lansana Conté, et son homologue gabonais. Petit-déjeuner qui fut annulé car la partie guinéenne, informée de la présence dans la délégation gabonaise, d’Alpha Condé. C’était regrettable, car le président voulait revigorer la coopération économique avec la Guinée et l’occasion à Tunis aurait été propice à enclencher le processus. Ce n’était que partie remise.

Le président me confia avec Boubacar Kanté la mission d’organiser une visite du président Conté au Gabon. Cette délicate mission préparatoire de rapprochement dura de 1994 en 1997. C’est Boubacar qui se rendait en Guinée mais nous travaillions en étroite collaboration. La visite était programmée pour novembre 1997.

Début octobre 1997, soit quelques semaines avant la visite, Boubacar Kanté fut nommé conseiller en communication du président Conté. Il devait rejoindre Conakry, prendre fonction et intégrer la délégation officielle de son pays pour la visite au Gabon. Malheureusement, le 24 octobre, la veille de son départ, il a été assassiné à Abidjan. Nous étions sous le choc. Le président me demanda d’aller en Guinée pour les obsèques. Je conduisais la délégation gabonaise. Nous avons assisté aux cérémonies mais pas à l’enterrement qui avait lieu dans le Nord (Dabola).

Sur place, nous avons confirmé l’invitation de la visite d’Etat du président Lansana Conté au Gabon. Nous devions bien cela à Boubacar. Entre ce moment et la venue, je reçus des messages de certains membres de la diaspora qui, à la demande d’Alpha Condé, m’intimaient l’ordre de sursoir à la visite du président Conté. «Lansana Conté ne doit pas mettre ses pieds au Gabon».

Ayant une sainte horreur du chantage et par défi, j’ai répondu à mes différents interlocuteurs que la visite serait effective. J’ai rendu fidèlement compte au patron. La visite d’Etat de S.E.M Lansana Conté, président de la République de Guinée, au Gabon eut bel et bien lieu et se déroula à notre entière satisfaction ! 

Laura Olga Gonjout,