Dans la soirée du 25 février à la télé-bidon nationale, il y a eu une série de morsures contre la résurgence de la COVID-19. Entre autres, interdiction et suspension de toutes manifestations culturelles : les concerts, dédicaces, foires. Le comédien- humoriste et commissaire général du Festival des Arts et du Rire de Labé, Mamadou Thug, au centre des préparatifs de l’événement, est très en colère. Il l’a fait savoir ce vendredi 26 février dans l’émission Œil de Lynx. Selon lui, il est impossible de concevoir qu’un gouvernement, de façon désorganisée, puisse interdire des événements culturels, oubliant qu’il y a des milliers de personnes qui vivent de ce métier. «C’est une folie. Je pense que c’est inadmissible et inacceptable. De mon côté, je ne suis pas et je ne serais pas d’accord ».
Depuis l’apparition de la pandémie de la Covid-19 dans notre bled en mars 2020, Mamadou Thug dit que les artistes et acteurs culturels sont fortement impliqués dans cette lutte. « Nous avons été la solution de cette pandémie. L’Etat ne nous a rien donné mais nous avons sensibilisé les gens à travers des vidéos qui ont fait le tour des réseaux sociaux. On se fait le devoir de faire la charrue avant les bœufs. Mais par ailleurs, même l’Etat ne respecte rien et ne fait rien respecter ».
Mamadou Thug estime qu’interdire les spectacles alors que mosquées et églises sont remplies de monde n’est que peine perdue. « Donc, il faut qu’on apprenne à respecter les gens et à respecter le métier des gens. L’Etat n’a pas de respect pour la culture dans ce pays, et c’est ce qui fait mal. Un père de famille se lève un beau matin et dit à son fils qu’il ne va pas déjeuner aujourd’hui, demain et après-demain sans donner d’explications. Après l’explication, c’est peut-être le fait qu’hier pendant le dîner il a trop mangé. Mais qu’on arrête quand même », s’exclame-t-il.
Parlant des préparatifs du Festival des Arts et du Rire qui était prévu en mars prochain à Labé, Mamadou Thug confirme que tout est prêt. « A l’instant où je vous parle, je peux vous amener tout ce qui est vidéo autorisant le communiqué sur les artistes invités. « On a commencé à dépenser depuis janvier. Avant-hier, une délégation de Soudou Dardja Production s’est rendue à Kindia pour apporter l’avance de Moussa Koffoe ; les autres artistes ont également perçu leur paiement. En termes pécuniaires, le budget du festival s’élève à 327 800 000 francs glissants dont plus de 45% ont été dépensés.
S’agissant du relâchement des mesures barrières, Mamadou Thug dit que cela n’est pas la faute de la population, encore moins celle des artistes. « C’est plutôt la faiblesse de l’Etat. L’Etat déroge à la loi comme il veut. Qui va alors le respecter. Il organise des rassemblements comme il veut et il interdit des manifestations et des spectacles. Ils ont organisé les élections et aucune mesure barrière n’a été respectée. Avant les élections, le président et les opposants ont fait le tour du pays pour battre campagne, tout en ignorant la présence de la COVID-19. Les gens se serraient la main et s’embrassaient n’importe comment. Mais il faut qu’on respecte les gens » peste-t-il. Des courriers ont été adressés à l’ensemble des acteurs culturels, pour une réunion d’urgence. « Premièrement, on ne tend pas la main à l’Etat pour nous faire rembourser. Nous partons vers l’Etat pour nous faire respecter.
Deuxièmement, nous partons vers l’Etat pour lui faire constater les dégâts qu’il est en train de nous faire faire. Et troisièmement, nous partons vers l’Etat pour lui demander de ne pas nous tuer, parce qu’on ne peut pas investir près de 100 millions après, on vous dit que tout est arrêté. On va dire quoi ? Imaginez des dépenses comme ça, après ils s’asseyent dans leur bureau pour nous dire que des mesures sont prises pour interdire tel ou tel évènements. Cela est une insulte », lance Mamadou Thug.
Si l’Etat autorise le Festival des Arts et du Rire, est-ce possible de respecter les gestes barrières lors du spectacle ? Mamadou Thug répond : «Qu’il autorise ou non le festival dans tous nos événements, le lavage de mains est obligatoire, le port du masque également. Dans une salle qui accueille 1000 personnes, nous ne mettrons que 600 personnes, c’est pour le respect de la distanciation. Pour preuve, au réveillon pastoral du 31 décembre dernier, nous avons fermé les portes pour ne pas vendre plus de 600 tickets. On a imposé et veillé strictement au respect des gestes barrières. Tout cela, c’est pour montrer à l’Etat que nous le respectons et respectons notre engagement».
Dans les prochains jours, ce comédien compte rencontrer Sayon Bamba, la directrice de l’Agence guinéenne des spectacles afin d’ouvrir une discussion entre la ministre de la culture Sonna Konaté, pour aller vers le chef du gouvernement et discuter autour de l’alternance suivante : «soit laisser les spectacles se dérouler, soit nous rembourser toutes les dépenses». Wait and See.
Kadiatou Diallo