Le ministère de la Justice a beau démentir le rapport d’Amnesty international qualifiant la Maison centrale de « mouroir », la liste des morts dans la plus grande prison guinéenne continue de s’allonger. Les dernières victimes, dans des conditions également non élucidées, sont la cuisinière de la prison, qui auraient été violée puis étranglée, et un sourd-muet témoin de la scène, à en croire la version d’un prisonnier relayée notamment par Média Guinée.

Inquiète de ces nouvelles macabres en provenance de Coronthie, ce quartier du centre-ville de Kaloum qui abrite la Maison centrale de Conakry, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH) a dépêché une délégation sur les lieux. Objectif ? Toucher du doigt les conditions de vie que mènent les prisonniers, notamment politiques, dans leurs cellules. Finalement, Souleymane Bah qui dirige l’OGDH depuis le congrès extraordinaire du 16 janvier (après le décès d’Abdoul Gadiry Diallo, le 27 octobre dernier), n’aura pas pu accéder à la prison. Faute de présenter une autorisation délivrée par le ministre de la Justice.

« Ousmane Gaoual traîne son pied gauche »

« Nous voulions voir comment vivent les prisonniers politiques. On nous dit que sans l’autorisation du ministère de la Justice, on ne peut pas rentrer. Il paraît que mon prédécesseur avait subi le même empêchement », explique Souleymane Bah. « Nous voulions connaître également les circonstances de la mort de la cuisinière et du sourd-muet, renchérit-il. Chose qui nous inquiète à plus d’un titre. Tout cela questionne les conditions de détention dans nos prisons. Nous envisageons de rencontrer le ministre de la Justice pour échanger sur cette situation ». Pour le moment, le conseiller en communication du ministre de la Justice n’a pas réagi à nos sollicitations.

Néanmoins, le vice-président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme, a pu accéder à la Maison centrale, après avoir présenté son badge d’avocat. Joint par notre rédaction, Me Alpha Amadou DS Bah, qui a pu s’entretenir respectivement avec le conseiller politique de Cellou Dalein Diallo et le fédéral de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) à Kindia, a livré son constat : « J’ai particulièrement rencontré Ousmane Gaoual Diallo et Abdoulaye Bah. Ils m’ont décrit des conditions de détention lamentables : ils sont dans des cales où il y a plusieurs personnes et ne bénéficient pas de traitement de faveur par rapport aux autres détenus. En clair, les prisonniers politiques sont détenus avec des bandits  de grand chemin ». Et d’ajouter que « Ousmane Gaoual Diallo traîne le pied gauche, il ressent des picotements à ce niveau. Il m’a fait savoir qu’il n’y a qu’un seul médecin pour deux-mille prisonniers et que les frais médicaux, en cas d’évacuation, étaient à la charge du prisonnier ».

Or, rappelle l’avocat, quand l’actuel président de la République avait été arrêté en 1998, le bâtiment central  qui venait d’être rénové au sein de la Maison centrale lui avait été affecté. Il y avait là un minimum de commodités. L’opposant, Alpha Condé, alors accusé d’agression contre la sûreté de l’Etat, y avait passé deux ans de détention avant d’être gracié par l’ancien président Lansana Conté, puis amnistié par la suite par l’Assemblée nationale, sous la pression de ses paires de l’opposition et de la communauté internationale.

Diawo Labboyah