La session ordinaire du mois de mars est ouverte au sein des deux Chambres du Parlement. Le cérémonial y relatif a eu lieu jeudi 11 mars 2021, notamment avec les discours des Doyens d’âge de ces institutions. A l’Assemblée nationale,l’honorable Laurentine Koa Mengue a fait sursauter plus d’un député en mettant le doigt sur l’un des manquements de la Chambre depuis des années : le contrôle de l’action gouvernementale. «Au moment où nous avons en ligne de mire la relance économique et la poursuite de notre cheminement vers l’émergence, malgré le contexte sanitaire de l’heure, j’en appelle au patriotisme et au savoir-faire des gestionnaires de la chose publique. Ils ont l’impérieux devoir de contribuer chacun à son niveau à la relance et à l’atteinte effective des objectifs de la Stratégie nationale de développement et d’émergence du Cameroun pour la décennie 2020-2030. Afin de veiller au grain, l’Assemblée nationale n’hésitera pas à user pleinement de son pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale. Parole de Doyenne d’âge», a assuré la députée.
«Les gens font ce qu’ils veulent»
Mais voilà, la parole a beau être donnée, cela fait des lustres que le Législatif ne contrôle pas l’Exécutif au Cameroun. De l’avis même des députés. Pour l’honorable Cabrai Libii, président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), l’annonce de la Doyenne d’âge est surprenante.
« Elle a engagé son statut de Doyenne d’âge pour qu’enfin le contrôle de l’action gouvernementale soit effectif. Cela a provoqué d’ailleurs dans la salle, une onde émotionnelle diverse. Ceux qui la regardaient en riant, en lui disant « cause toujours, on a déjà entendu ça». Et ceux qui, naïfs comme moi, ont quand même laissé pétiller de leurs yeux, l’expectative lointaine, inespérée que cela puisse voir le jour» ironise le député.
Cependant, cette problématique est bel et bien l’une des faiblesses de cette institution. Selon le député PCRN, la faute est à la majorité obèse du RDPC. « Il y a un peu trop de désordre dans le gouvernement, un peu trop de gabegie, un peu trop de laisser aller, un peu trop de condescendance, les gens font « ce qu’ils veulent.» D’ailleurs cela peut se voir dans leurs attitudes. Des fois quand ils viennent ici au Parlement, comme « ils sont du Rdpc, ce sont leurs camarades qui sont majoritaires à l’Assemblée nationale, ils pensent qu’ils peuvent faire du pays ce qu’ils veulent». Une vision partagée par l’Union démocratique du Cameroun (Udc) du moins en ce qui concerne le défaut d’efficacité de l’Assemblée nationale dans le contrôle de l’action gouvernementale. «Le contrôle de l’action gouvernementale est une mission constitutionnelle du Parlement. Mais il me semble qu’on n’agit pas suffisamment sur ce volet- là. Parce que le contrôle de l’action gouvernementale doit se faire soit à travers des commissions d’enquête, soit à travers des questions orales. Mais nous constatons qu’il y a des problèmes qui auraient suscité une commission d’enquête, mais on n’en parle pas. Nous nous battrons pour que ce volet de l’activité parlementaire soit une réalité sur le terrain» indique l’honorable Koupit Adamou.
Ce n’est pas la première fois que l’efficacité du Parlement dans le contrôle de l’action gouvernementale est remise en question. En juillet 2015, le président de la Chambre Basse avait eu l’air de prendre ce problème au sérieux. Cavaye Yéguié Djibril s’était laissé aller à une partie de réprimande à l’endroit des membres du gouvernement au sujet de leur absentéisme au cours des questions orales. «Je voudrais ainsi rappeler aux uns et aux autres que cet exercice est régi par des dispositions de notre loi fondamentale. Il ne saurait donc être facultatif. Bien au contraire, il s’agit d’une obligation à laquelle on ne pourrait se soustraire qu’en cas de force majeure, dûment signifié à l’administration de notre chambre». Un rappel à l’ordre qui était intervenu dans un contexte précis. Celui de l’absence des ministres durant les séances de questions orales et de défense de projets de loi.
Les relations entre les membres de l’exécutif et du législatif semblaient par ailleurs se refroidir au fil des sessions. Les députés reprochaient particulièrement à certains membres du gouvernement une attitude méprisante à leur égard. L’on se rappelle que l’ancien ministre des Travaux publics, Patrice Amba Salla, .avait été vertement repris le 28 juin 2015 par le député de l’Union des populations du Cameroun (Upc) Robert Bapooh Lipot, alors qu’il s’adressait à la Représentation nationale, une main dans la poche. Un crime de lèse-majesté pour les locataires du Palais de l’Assemblée.