Selon la communication gouvernementale, les populations adhérent à la politique récupération des domaines de l’État. Mais ceux qui font ce type de déclarations oublient que pour ces populations, ce qu’on appelle pudiquement «politique de récupération des domaines de l’État» se traduit par la destruction de milliers d’habitations, fruit de plusieurs années de dur labeur, sans aucune indemnisation. Les populations peuvent-elles adhérer à une politique qui condamne des milliers de familles à devenir du jour au lendemain des sans-abris ?
Cette «politique de récupération des domaines de l’État» en cours ne devrait pas être aussi brusque et inhumaine qu’elle l’est actuellement. Elle aurait pu être précédée d’une véritable campagne de sensibilisation pour permettre aux populations qui seraient impactées de s’y préparer. À défaut de pouvoir obtenir une indemnisation ou tout au moins une assistance venant de l’État, ces familles auraient pu mettre à profit un préavis pour trouver un nouveau point de chute avant le début des opérations de démolition; ce qui aurait pu leur éviter de voir leurs biens exposés à même le sol en pleine journée. Peut-on imaginer la situation de ces personnes si on était en saison des pluies ?
Dans certaines législations, il existe aujourd’hui un droit au logement opposable (cas de la France) qui reconnaît un droit au logement à ceux qui sont dans le besoin. Mais même en l’absence d’une telle législation, il est du devoir des pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour permettre aux citoyens d’accéder à un logement convenable à travers notamment une politique de logements sociaux ou de logements à loyers modérés. Faute de pouvoir satisfaire cette obligation, un Etat respectueux de la dignité de ses citoyens, devrait s’efforcer d’éviter de mettre ces derniers dans la rue sans leur offrir une solution de substitution. Le spectacle que nous livrent ces personnes âgées en larmes en train d’implorer le Bon Dieu et le gouvernement est une autre preuve concrète de la faillite de l’État dans la protection des couches les plus vulnérables de la société. Lorsque vient s’ajouter à la difficulté de trouver à manger celle d’avoir un toit, il y a de quoi s’interroger sur la finalité de l’action de l’État. L’État agit dans le but d’assurer au grand maximum sinon à tous le bonheur et la prospérité. Cela passe par la prise en compte des besoins primaires de l’homme : se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner. Mais s’il est le premier à plonger les citoyens dans la précarité, il n’a aucunement sa raison d’être.
Me Mohamed Traoré