Le sénateur représentant les Français de l’étranger, secrétaire de la commission des affaires européennes, a fait une nouvelle sortie ce mardi 23 mars intitulée « Ma question sur le respect par les autorités de la Guinée des règles qui prévalent dans un État de droit ». La BRI, Brigade de recherche et d’intervention, qui a reçu des financements de l’Union européenne dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité en Guinée sert aujourd’hui à traquer opposants politiques, journalistes et activistes de la société civile. S’adressant au ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Leconte invite la France et l’UE à mieux réorienter leurs financements.
Ces derniers jours, en Guinée, l’un des chefs de l’opposition démocratique a été transféré de prison vers un hôpital du fait d’une dégradation de son état de santé provoquée par ses conditions de détention: il s’agit d’Ibrahima Cherif Bah, vice-président de l’un des principaux partis de l’opposition, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Dans le même temps, le président de ce parti, Cellou Dalein Diallo, s’est vu empêché de se rendre à Abidjan aux obsèques du Premier ministre ivoirien Hamed Bakayoko, où il était invité en sa qualité de vice-Président de l’Internationale libérale. A cette occasion, son passeport lui a été retiré sans notification d’une raison légale.
C’est dans ce contexte que j’ai souhaité poser la question suivante au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, question qui prolonge celle que j’avais déposée en début d’année et à laquelle le ministre m’avait répondu avec franchise et fermeté :
« M. Jean-Yves Leconte attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la façon dont il entend subordonner les moyens engagés au titre de la coopération sécuritaire en Guinée, au respect par les autorités de ce pays des règles qui prévalent dans un État respectueux des libertés publiques et du bon fonctionnement de sa justice.
En effet, malgré de nombreuses alertes dont certaines que lui-même a portées dernièrement, la situation dans ce pays ne s’améliore pas. Alors que des dizaines de manifestants ont été tués et des centaines blessés, l’impunité demeure la règle, ouvrant la voie à la répétition de ces réponses violentes à toute forme d’opposition au régime. Selon une liste nominative établie par des avocats représentant des opposants, 167 militants ou sympathisants de mouvements civiques, ou de partis politiques de l’opposition sont actuellement détenus à la maison centrale de Conakry. De même que des journalistes qui couvraient ces manifestations et qui sont détenus pour cette raison. Ils font partie des quelque 350 à 400 personnes du même profil qui seraient détenues dans l’ensemble du pays, selon cette même liste, présentée comme non exhaustive. Les opposants emprisonnés risquent leur vie : ainsi, en deux mois, quatre personnes dont trois militants ou sympathisants de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition) sont mortes pendant leur détention provisoire à la prison centrale de Conakry, la capitale. Elles ont été arrêtées dans le cadre de la contestation du référendum constitutionnel et des résultats de l’élection présidentielle en mars et octobre 2020.
Aucune enquête n’a été engagée pour faire la lumière sur les circonstances de leurs décès. Interpellée par Amnesty international, la délégation de l’Union européenne en Guinée a confirmé l’implication de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) guinéenne dans des missions visant des opposants politiques. Cette brigade a bénéficié de l’appui de l’Union européenne, dans le cadre du programme d’appui à la réforme du secteur de sécurité (PARSS). Ce programme a rendu possibles la création et l’opérationnalisation de la division d’appui opérationnel (DAO), dont la BRI est l’une des trois sections. Cet appui a permis l’acquisition d’équipements, mais également l’organisation de formations, y compris à la surveillance et au renseignement. Dans le contexte de répression et compte tenu des responsabilités de la BRI, l’Union européenne a indiqué avoir suspendu des activités déjà prévues dans le cadre de cette coopération.
Dans ce contexte où la coopération sécuritaire avec la Guinée présente le risque que les moyens engagés contribuent encore à des violations des droits humains, il souhaite connaître l’état des coopérations en cours dans le domaine de la sécurité entre la France et la Guinée, que celles-ci se tiennent dans un cadre européen ou bilatéral. Plus largement, il souhaite connaître l’état et l’ampleur des projets de coopération envisagés. Enfin, il souhaite savoir si des mesures ont été prises pour garantir que ces coopérations n’alimentent pas sous de nouvelles formes la répression des opposants, ou, à défaut, pour les suspendre si ces garanties ne sont obtenues. » Cette question sera publiée au « Journal officiel » le 25 mars.