La quatrième république s’annonce comme un danger pour la liberté de presse et d’expression en Guinée. Si gouverner autrement veut dire faire appliquer une loi à la place d’une autre, c’est le comble de l’ignominie. Le régime Condé, très hostile à toutes les voix discordantes, a franchi le Rubicon en mettant en prison le vaillant journaliste Amadou Diouldé Diallo. Très connu pour son sarcasme et ses critiques acerbes envers le gouvernement de Conakry, le journaliste sportif et historien croupit à l’hôtel cinq étoiles de Coronthie comme un vulgaire criminel. C’est le samedi 27 février que le symbole de la presse guinéenne a été arrêté puis conduit à la Direction centrale de la police judiciaire à Kaloum. Après y avoir passé le weekend, il est déposé à la maison centrale.
Que reproche-t-on au doyen Diouldé ? D’outrage et de diffamation envers le chef de l’État lors d’une émission radio. Même si ce délit se confirmait, dans tout État respectueux de ses lois, le journaliste ne devrait même pas passer une seule nuit en garde à vue dans la mesure où les délits de presse sont décriminalisés en Guinée. Dans la loi L/002, il est stipulé ceci: Article 105; ceux qui offensent le président de la République et, en cas de vacance, la personne qui détient tout ou partie de ses prérogatives, sont punis d’une amende de 1.000.000 gnf à 5.000.000 gnf. Sommes-nous dans une république normale ? Si oui, c’est la loi qui devrait être appliquée. Or, cette violation de la loi se fait au vu et au su de tout le monde.
Où sont les associations de presse et l’ensemble des journalistes ? En dehors de l’AGEPI et l’Association internationale de la presse sportive (AIPS), on peut affirmer sans risque de se tromper que les autres associations de presse ne sont pas sur terre. La pléthore d’associations ne s’honore pas si elle reste passive, voire insensible à la douleur des journalistes qu’elles est censée défendre. Par le passé, ces organisations ont fait une démonstration de force, notamment dans le cas de Habib Marouane Camara, du journaliste Lansana Camara pour ne citer que ces deux-là. Cela avait porté fruits. Pourquoi ne pas rééditer l’expérience avec le cas de Diouldé? L’heure n’est plus aux murmures. Les associations de presse et les journalistes dorment sur leurs lauriers pendant que le régime malmène la loi qui régit leur corporation.
La naissance du collectif de soutien à Amadou Diouldé Diallo (COSADD) est déjà un grand pas. Eloquents sont les propos de son porte-parole, Abdoul Malick Diallo : « Demain, on ne saura pas à qui le tour, puisque la roue de la répression a commencé à tourner en silence. C’est grave de croiser les bras et dire « comme ce n’est pas moi… » Lorsque la liberté de la presse est violée, tout journaliste doit se mobiliser pour dénoncer cela. »
Déjà, les réseaux sociaux exigent la libération d’un des baobabs de la presse guinéenne. Ce n’est pas mal non plus. Ce n’est pas le Président Alpha Condé qui s’en offusquera parce que plus d’un collectif s’était formé pour exiger sa libération quand il a été injustement enfermé par le système Conté au mépris des lois de la république.
Babanou Timbo Camara, Journaliste