Ce 1er mars, la Guinée célèbre le soixantième anniversaire de la monnaie guinéenne. A cette occasion, Mamadou Safayiou Diallo, spécialiste des questions monétaires, invité de l’émission Œil de Lynx a expliqué quelques causes liées à la faiblesse de notre franc guinéen. Selon lui, du point de vue théorique, il y a un certain nombre de variables qui expliquent la hausse des prix sur les marchés : « L’apparition du virus Ebola que nous avons connu en 2014, mais aussi la pandémie de la Covid-19 depuis mars 2020, ont créé des psychoses généralisées dans le secteur économique de notre pays. Nous avons assisté à une paralysie totale de l’activité économique, on a vu les complexes hôteliers qui ont pratiquement fermé, il n’y avait pas d’avion, le secteur du transport mais aussi celui du tourisme était au ralenti. »
« Je pense que tout ceci a concouru à la baisse des activités économiques que ça soit du côté du secteur formel ou informel de telle sorte que cette baisse des activités économiques compte tenu de la fermeture des frontières a un moment donné a fait que les marchandises ne rentraient pas au pays. Cela a eu un impact considérable sur la hausse des prix des denrées alimentaires que nous consommons essentiellement en Guinée. A côté de cela, il y a autre facteur sur lequel nous avons fait une analyse : c’est l’accroissement de la masse monétaire. Lorsque vous prenez l’évolution de la masse monétaire au cours de ces 10 dernières années, vous constaterez qu’elle est passée de 10 360 milliards en 2010 à plus 29 000 milliards en 2020, ce qui fait une hausse de 185% ».
A l’en croire, chaque fois que les Etats se retrouvent endettés sur le plan interne, la situation oblige à un moment donné d’émettre des billets pour faire face au remboursement de la dette interne. «Et le plus souvent, l’accroissement de la masse monétaire a un impact considérable également sur la hausse des prix. L’autre facteur, c’est la hausse des salaires du secteur privé et public. Avant 2010, le salaire du fonctionnaire ne valait pratiquement rien. Le salaire de certaines catégories des magistrats, des militaires et inspecteurs et ceux qui travaillent dans le secteur privé ont été relevés ces derniers temps. Et qui dit hausse des salaires, dit hausse d’impôts et de taxes. Pour l’Etat, outre l’impôt que payent les sociétés à la fin de l’année il y a aussi des cotisations sociales, que les employeurs prélèvent sur les comptes de leurs travailleurs. Cela apporte à l’Etat 23%. Toutes ces cotisations sociales et impôts ont un impact considérable sur l’augmentation des recettes de l’Etat. Et l’augmentation de recettes rime avec une marge de manœuvre pour le gouvernement pour faire face à ses dépenses mais aussi à contenir la dette interne. Et c’est grâce à cela que l’Etat arrive à construire des infrastructures économiques et sociales », explique l’économiste. Mais, soutient-il, il y a un phénomène à ne pas oublier : « Lorsque le secteur privé augmente les salaires de ses employés au détriment de la marge bénéficiaire de l’entreprise, cela peut avoir des conséquences puisque les entreprises seront obligées d’augmenter le prix des produits, compte tenu de la hausse des impôts. Et cela aura un impact considérable sur les prix. Et du coté de l’Etat aussi, l’augmentation des salaires signifie une augmentation des charges salariales, et d’autant plus que chez nous dans la plupart des Etats africains, on ne peut pratiquement pas prendre en compte les charges salariales compte tenu des dépenses qu’elles génèrent en matière de remboursement du service de la dette et de financement des infrastructures sociales et économiques. Ce qui fait que l’augmentation de la charge salariale à un impact considérable sur le budget de l’Etat. »
Kadiatou Diallo