La justice a confirmé les suspensions infligées à deux journaux, «L’Alternative» et «L’indépendant Express». Reporters sans frontières (RSF) condamne des décisions infondées et disproportionnées qui discréditent les mécanismes de régulation des médias.
Ses efforts pour prouver sa bonne foi n’ont manifestement pas suffi. Le 9 mars, le journal L’Alternative de Ferdinand Ayité a été suspendu pour quatre mois. C’est la chambre administrative de la Cour suprême qui a confirmé cette sanction, infligée un mois plus tôt par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). La décision avait été prise après une plainte du ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière. Ce dernier était présenté dans un article comme un “faussaire” pour avoir, selon les informations du média, utilisé de faux documents en tant qu’administrateur des biens appartenant à une famille d’un riche homme d’affaires décédé.
Le journaliste accusé avait alors publié une lettre détaillant le contenu de son audience devant l’organe de régulation, témoignant du sérieux de sa démarche journalistique, en vain. Joint par RSF, Ferdinand Ayité a avoué ne pas être surpris par cette décision qu’il a qualifié de «politique». Les arguments de la HAAC pour sanctionner le reporter n’avaient pas fait l’unanimité au sein de l’organe lui-même, puisque l’un de ses conseillers s’était publiquement désolidarisé de cette décision qui, selon lui, «fait le jeu» du ministre concerné par l’affaire.
Dans un autre dossier, la chambre administrative de la Cour suprême a également confirmé la décision de la HAAC de suspendre sous toutes ses formes L’Indépendant Express dirigé par le journaliste Carlos Kétohou. L’organe de régulation avait demandé au juge de lui retirer sa licence après la publication d’un article sur un vol présumé de cuillères dorées par deux ministres. Carlos Ketohou avait déjà été arrêté et détenu illégalement après la publication de ce même article.
«Rien ne peut justifier des mesures aussi radicales, déplore le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Assane Diagne. Ces décisions sanctionnent de manière infondée pour l’une, disproportionnée pour l’autre, deux publications après des plaintes du gouvernement ou de ses membres. Cette situation jette le discrédit sur les mécanismes de régulation des médias et prouve malheureusement qu’aucune institution n’a été capable d’exercer un contrôle juste et impartial respectant un équilibre entre obligations des journalistes et nécessité de protéger la liberté d’informer. Il est temps de renforcer l’indépendance de la HAAC et de prendre des mesures adaptées pour éviter de répéter ces décisions qui font peser de sérieuses menaces sur l’exercice du journalisme au Togo.»
Jeudi 11 mars, Ferdinand Ayité doit également comparaître devant la cour pour le procès en appel dans l’affaire dite du pétrole-gate. En novembre dernier, le journaliste et son média avaient été condamnés à une amende de quatre millions de francs CFA (un peu plus de 6000 euros) pour avoir révélé de présumés détournements massifs d’argent dans le secteur du pétrole impliquant des responsables publics de premier plan dont plusieurs ministres.
Le Togo occupe la 71e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.
Reporters Sans Frontières
Assane Diagne, Responsable du bureau Afrique de l’Ouest