« Vous avez tous vu l’âne au siège de l’UFDG qui a été importé jusqu’à mon bureau. L’âne devait faire quelques jours là-bas avant d’être sacrifié quelque part. Vous avez vu la vidéo où le policier était en train de lui donner à manger… » Le 16 mars, La Petite Cellule Dalein Diallo auquel la flicaille de l’air et des frontières venait de réitérer l’interdiction verbale de sortir du territoire national, a accommodé le ton à la solennité pour parler de l’âne du pouvoir grimpeur que tout Cona-cris a entendu braire au siège de l’UFDG à Commandanya. Fallait-il en rire ou pleurer ? La réponse ne saurait être évidente. Comme Cellou lui-même le montre en filigrane.
Les observateurs les plus sarcastiques pourront y déceler une marque de vitalité pour la démocratie guinéenne. Aux États-Unis, le Parti démocrate qui vient de propulser Joe Biden à la Maison Blanche a pour symbole un âne bien dodu. L’éléphant, le syli de là-bas, représente le Parti républicain. A la présidentielle du 3 novembre 2020, il a été battu à plate-couture. Malgré sa persévérance, sa ténacité et sa trempe, le président sortant est effectivement sorti. Si l’âne de l’UFDG suscite des inquiétudes, il faudra alors se tourner vers nos propres traditions, nos us et coutumes, nos pratiques politiques, notre histoire, l’histoire « de cette Afrique-là » pour un début d’explication.
Chez les Mossi du Burkina, la pratique existe. Mais, il ne faut pas se prévaloir de la taille du Professeur Ki-Zerbo pour savoir qu’elle n’est pas courante. On ne peut immoler un âne que si on vise très haut. En revanche, les Guinéens offrent des sacrifices pour un oui ou pour un non. Malheureusement, la classe politique n’y est pas étrangère. Elle n’est pas qu’objet. Le plus souvent, elle est sujette. D’abominables soupçons avaient pesé sur la révolution colossale et multiforme du Président Sékou Touré sur la nature des sacrifices que l’on prêtait à son régime. Mais quel poids intellectuel faisait-il face à certaines pratiques de l’Afrique ancestrale ? A la deuxième république du Général Conté, les accusations ont réalisé d’énormes progrès humains. Le sang a pris le chemin de la disparition. La mystification, elle, a continué sa progression. A sa place, comme dirait feu Niane Tamsir Djibril, le marabout est venu, escorté de plus de mensonges encore. Les grades élevés du Général Conté n’avaient pas pesé suffisamment lourd sur le niveau culturel du président-paysan. En aucun cas, ils ne pouvaient freiner la puissance fulgurante de la saison des marabouts.
C’est certainement là qu’il faut regretter la date de l’apparition le 6 mars dernier, de l’image grimaçante du bourricot de la police au siège de l’UFDG. En 2021, la Guinée n’est dirigée ni par un semi-lettré sorti tout droit d’une vague école primaire supérieure de Faranah, ni par un général de l’armée aux galons généreux obtenus au fronton de ses propres tiroirs. Tous les naïfs de Guinée et de Navarre avaient enterré à l’avance ce genre de charlatanisme éhonté dès l’installation d’un professeur de la Sorbonne à la tête du pays. Que nenni ! C’est sous le règne d’Alpha Condé que les âneries envahissent de plus belle tous les aspects de la vie politique et administrative de la Guinée. Jusqu’où irons-nous dans la rigolade à titre larigot ?