L’arrestation du journaleux-sportif le 27 février et son placement sous mandat de dépôt le 1er mars, pour «offense au chef de l’Etat», choquent le monde des médias. La procédure est truffée de violation des droits et de substitution consciente de lois. Le 11 mars, ses avocats ont introduit une demande de mise en liberté auprès du doyen des juges d’instruction au TPI de Dixinn. Sans succès. La veille, la Cour d’Appel de Cona-cris a rejeté sa demande de libération conditionnelle introduite par les mêmes avocats, Me Alsény Aïssata Diallo, Mohamed Traoré, entre autres. Ces derniers temps, la dégradation de l’état de santé de notre con(.)frère lui a valu un séjour à l’hosto. Mais, il a été renvoyé depuis lors au gnouf.
« Le juge d’instruction a pris une ordonnance de rejet de la demande des avocats. Mais, ce qui est étonnant, ce sont les motifs qui justifient la décision du juge. Il déclare que les faits imputés à Amadou Diouldé Diallo sont d’une extrême gravité, de nature à heurter la sensibilité du public et que la personnalité de l’inculpé fait craindre le renouvellement des faits actuellement poursuivis», rappelle Sékou Koundouno, dans une note parvenue à notre rédaction le 18 mars.
Pour ce responsable des stratégies et de la planification du Front national pour la défense de la Constitution, en exil au Sénégal, cette motivation du doyen des juges d’instruction, Ousmane Coumbassa, «déshonore leur robe». Ce sont des « décisions scandaleuses ». « Les propos de M. Amadou Diouldé Diallo sont-ils plus graves que ceux d’un individu qui insulte toute une communauté ? Il est très malheureux que des magistrats se prêtent à un jeu aussi malsain alors qu’ils ont juré d’exercer leur mission en âme et conscience », dénonce Sékou Koundouno. Selon lui, cette décision « prouve à suffisance que dans le contexte actuel, la justice qui devait être une solution est devenue un problème. Les différentes décisions rendues contre des membres de l’opposition et de la société civile ainsi que dans le cadre du litige lié à la fermeture du siège de l’UFDG constituent l’illustration la plus parfaite de l’assujettissement de la justice. »
« Rien ne peut justifier sa détention »
Ce n’est pas une première ! Les lois sont fréquemment confondues en Guinée. Plusieurs journaleux accusés de diffamation ou d’offense au chef de l’Etat avaient été poursuivis sur la base, tantôt du Code pénal, tantôt de la Loi sur la Cyber sécurité. Notre con(.) confrère Amadou Diouldé Diallo n’aurait pas été en prison si la loi portant la liberté de la presse avait été appliquée. Et c’est justement ce qui devait être fait, puisque l’on parle des délits par voie de presse. Mais, apparemment, le procureur contourne cette loi pour une autre afin de mieux serrer ses griffes autour de notre confrère. C’est aussi une façon de museler la presse trop critique au pouvoir. L’un de ses avocats, Me Alseny Aïssata Diallo, a dénoncé une violation de la loi 002 sur la liberté de la presse qui dépénalise les délits de presse.
Le 17 mars, Reporters Sans Frontières, a demandé sa libération immédiate et sans condition. L’organisation a exhorté les autorités guinée-haines à mettre fin aux «emprisonnements arbitraires» des journaleux, devenus très récurrents dans notre bled. « Rien ne peut justifier le maintien en détention de ce journaliste. Les délits de presse étant dépénalisés depuis 2010, l’incarcération d’Amadou Diouldé Diallo est illégale et témoigne de la volonté des autorités guinéennes de censurer les voix discordantes. Nous les exhortons à se conformer au respect des dispositions de la loi sur les médias et à libérer ce journaliste qui est actuellement en mauvaise santé », réagit Assane Diagne, le dirlo du Bureau Afrique de l’Ouest de RSF.
Le comité de soutien bouge
Plusieurs journaleux réunis au sein d’un comité de soutien à Amadou Diouldé Diallo, ont engagé une série de consultations auprès des associations des médias. Le but, faire adhérer le maximum de personnes à la cause de la liberté de presse en vue d’une démarche commune qui tendra à la libération de notre confrère. Le 17 mars, le comité de soutien a rencontré les responsables de l’Urtelgui, Union des radios et télévisions libres de Guinée. « Il s’agit de la libération du doyen Amadou Diouldé Diallo, mais aussi de défendre la loi L002 pour qu’aucun journaliste n’aille en prison en fonction de ce qu’il dit par voie de presse. On a expliqué les démarches que nous avons entamées depuis la création du collectif. L’URTELGUI nous a donné l’assurance qu’elle n’est pas assise, qu’elle est en train de mener des démarches pour que tous les objectifs menant à la libération du doyen Amadou Diouldé Diallo soient atteints. Je crois qu’aujourd’hui, l’important c’est la défense de la liberté de la presse afin que le doyen Amadou Diouldé Diallo sorte de ce qu’il est en train de vivre.» a expliqué Sayon Camara, le coordinateur.
Rappelons qu’il y a un mois, le journaleux sportif Ibrahima Sadio Bah a été condamné à six mois de prison ferme et à une amende de 500 000 francs glissants pour ‘’diffamation, injures publiques et dénonciation calomnieuse’’ contre Mamadou Antonio Souaré, le prési de la Fédération guinéenne de football.
Yaya Doumbouya