Le 15 mars, l’écrivain, historien, professeur Djibril Tamsir Niane, a été inhumé au Cimetière de Kameroun à Conakry. Après un symposium organisé en son honneur au chapiteau du Palais du peuple. Le premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, des membres du gouvernement, les membres du corps diplomatique, une délégation gouvernementale sénégalaise et d’éminentes personnalités ont pris part à la cérémonie. Le président Alpha Condé a fait un tour, le temps de se recueillir devant le corps de l’écrivain et saluer la famille éplorée. Tous les intervenants ont témoigné de la grandeur de feu Djibril Tamsir Niane, un monument de la culture africaine.
Le premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, après avoir présenté les condoléances du gouvernement, a fait une promesse : veiller aux cotés des acteurs culturels, scolaires et universitaires afin de préserver et développer l’immense héritage du professeur Djibril Tamsir Niane. Raliatou Fifi Tamsir Niane, fille du défunt, a rendu un hommage mérité à feu son père qui «a été un modèle. Parler de soi est un exercice périlleux et difficile. Cela, d’autant plus qu’il s’agit d’un père qui de surcroit vient de disparaitre. Nos cœurs sont frappés par la plus profonde affection. Il semble bien que tout s’effondre autour de nous avec le rappel à Dieu de Djibril Tamsir Niane, notre père. En effet, comment pouvait-il en être autrement quand nous avons la chance et le privilège de partager durant des années, la vie riche et pleine d’enseignement de l’un des plus illustres hommes de science du 20ème siècle ? Que dire devant un si grand vide ? Que penser de l’absence de ce père qui a consacré toute son existence à la recherche historique et qui nous quitte après avoir établi des prouesses académiques reconnues par tout le monde ? Et qui l’on inscrit sur la liste prestigieuse des 2000 intellectuels les plus importants du 20ème siècle ? Nous voici réunis ce jour devant sa dépouille mortelle pour lui rendre les derniers hommages de la nation qu’il a aimée par-dessus tout et à qui il a voué l’essentiel de ses travaux de recherche».
Fifi Niane a indiqué que son père est le fils d’un ouvrier de chemin de fer natif de Dakar, originaire du Fouta Toro. Il s’était établi en Guinée pour y retrouver son ainé, officier dans l’armée coloniale qui fut l’un des premiers africains à travailler dans le secteur sanitaire à l’hôpital Nöel Ballay, actuel Ignace Deen. «Il est émouvant pour notre famille de voir la forte délégation sénégalaise dépêchée par le président Macky Sall pour accompagner la dépouille mortelle de notre père. Le professeur Djibril Tamsir Niane avait des attaches maliennes de son côté maternel. Il est particulièrement significatif de voir ainsi trois nations ouest africaines réunies autour d’une dépouille mortelle, chacune pouvant légitimer cette dernière comme lui appartenant. Voici une leçon donnée par le professeur Niane en ce moment où des conflits et des tensions endogènes déchirent le tissu social des fragiles nations africaines. Il semble nous inviter à cultiver l’unité africaine». Georges Alfred Ki Zerbo, représentant de l’OMS Guinée et fils de Joseph Ki-Zerbo, historien avec qui le professeur Djbril Tamsir Niane a mené des recherches sur l’histoire africaine a exprimé sa compassion avant de parler de la grandeur de l’homme lorsqu’il a travaillé auprès de son défunt père Joseph Ki Zerbo sur l’histoire générale de l’Afrique, avec l’appui de l’UNESCO. «Cher papa, vous avez incarné le passage d’idéaux, d’identité et de savoir. Votre retour à Dieu nous laisse affligés et désemparés. Votre exemple d’humanisme, de rectitude et d’excellence nous inspirera de génération en génération».
Djibril Tamsir, petit-fils de l’écrivain, historien, regrette la mort d’un modèle et d’un éducateur «Papa Niane avant tout était deux, lui Djbril Tamsir Niane doublé de sa sœur jumelle Yayé Débo, il n’est pas possible pour ceux qui ont côtoyé l’homme dans son intimité de parler de papa Niane sans faire allusion à sa jumelle. Parler de l’amour qui les unissait de l’amour de leur chair. Papa Niane était un grand père entier dans toute son humanité et dans toute son universalité, il nous a transmis le poids de l’authenticité et la chaleur réconfortante de l’amour et de la fraternité. En ce moment d’intense douleur, nos pensées vont vers la pierre angulaire de grand-père qu’il a été pour nous, son épouse, Maman Niane, tant une grand-mère qu’une amie qui a été d’un soutien sans faille. Nous ne nous sommes jamais lassés d’années après années d’énumérés au point d’en perdre le compte étant le plus vieux couple de notre pays. Nous avons grandi entourer de livres d’histoires, de conte au clair de la lune mais nous étions surtout entourés d’amour et d’affection. Papa Niane a été notre première école. Auprès de lui, nous avons appris l’importance de la connaissance de soi, la connaissance de son environnement, condition sine qua none d’une connaissance harmonieuse. Chacun de nous a une histoire particulière avec papa Niane. Il a donné des conseils à chacun de nous pour une idée, un projet, une ambition. Il nous a aussi montré l’importance du caractère pour oser avancer et défendre ce en quoi nous croyons, même si le monde entier nous raille. Il était notre premier fan à nous tous et à ce titre il avait la légitimé d’en attendre, d’en demander toujours plus. Nous prierons, nous honorerons ta mémoire, transmettrons ton héritage».
Après la prière, Djibril Tamsir Niane a été inhumé au cimetière de Kameroun. Il est décédé à l’âge de 89 ans, quelques heures après le décès sa sœur jumelle Yayé Débo Niane. Il laisse derrière lui 5 enfants et de nombreux petits-fils et arrière petits-fils. L’écrivain, l’historien lègue également à la génération future, de nombreux ouvrages dont le plus célèbre, Soundjata, l’épopée mandingue.
Mamadou Adama Diallo