A l’attention du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrel,
Cher Haut Représentant Borrel,
Le 22 mars 2020, la Guinée a connu l’une des élections les plus contestées, les plus violentes et les moins démocratiques de son histoire. Le double scrutin législatif et référendaire a eu lieu avec une très forte implication des forces militaires et paramilitaires, dans un contexte de vives tensions politiques et de crise sanitaire. Aucun argument de légalité, de légitimité, d’opportunité, de moralité-pas même ceux inhérents à la santé publique -, n’ont pu faire fléchir le Président guinéen dans sa détermination à organiser son référendum constitutionnel à l’effet de s’octroyer un troisième mandat illégal. Et pourtant, les bonnes volontés pour l’en dissuader n’ont pas manqué. Malheureusement, M. Alpha Condé est resté sourd à tous les appels au dialogue lancés, de l’intérieur, par l’Union du Clergé Guinéen (UCG), le Conseil interreligieux, les coordinations régionales, et, de l’extérieur, par la CEDEAO, l’UA, l’OIF, l’UE, les NU, la France, les États-Unis et le Royaume- Uni. Le double scrutin référendaire et législatif voulu par M. Alpha Condé a été organisé en violation de la Constitution et des lois électorales, avec un fichier taillé sur mesure, dans un contexte de violences inouïes ayant entraîné la mort de 99 personnes, dont une trentaine enterrée nuitamment en pleine forêt dans des fosses communes à Nzérékoré, des centaines de blessés, des milliers d’arrestations et des destructions massives de biens. C’est pratiquement dans les mêmes conditions de violences et de violations du Code électoral que le scrutin présidentiel du 18 Octobre 2020 a été organisé. Bien que M. Alpha Condé ait perdu cette élection, il se fera proclamer vainqueur par la CENI et la Cour constitutionnelle complètement acquises à sa cause.
Aujourd’hui, la situation intérieure est toujours caractérisée par une rupture de la démocratie et des atteintes massives aux droits humains. Depuis la publication des résultats, il y a eu une répression sanglante ayant entrainé la mort de 51 personnes, une vague d’arrestations dans le pays et au moins 400 militants de l’Opposition et membres de la société civile se retrouvent aujourd’hui détenus dans des conditions déplorables, d’autant plus en période de Covid-19. Mamadou Oury Barry, Roger Bamba, Mamadou Lamarana Diallo et Thierno Ibrahima Sow ont tous les quatre perdu la vie à la maison d’arrêt de Coronthie par manque de soins reçus. Tous avaient été arrêtés de manière arbitraire. Il convient de rappeler que les auteurs présumés du massacre du 28 septembre 2009, identifiés par la Commission d’enquête internationale mise en place par les Nations Unies, occupent toujours de hautes fonctions dans l’administration civile et militaire et participent activement à la répression des manifestations pacifiques de l’Opposition. Depuis l’arrivée de M. Alpha Condé au pouvoir en 2010, on a enregistré la perte de 250 personnes, tuées souvent à bout portant par des agents des forces de défense et de sécurité, des centaines de blessés par balles et le Président guinéen n’a jamais accepté qu’une enquête ne soit diligentée pour identifier et sanctionner les auteurs de ces crimes, conformément à la loi. Cette impunité, accordée aux auteurs des crimes, anciens et récents par M. Alpha Condé, a été régulièrement dénoncée par les Organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International, HRW et la FIDH.
Aujourd’hui encore, des personnalités responsables directs ou indirects des violations graves des droits humains, continuent d’exercer de hautes fonctions dans l’administration civile et militaire. Très souvent, ces personnalités qui détiennent des biens immobiliers et des comptes bancaires en Europe y effectuent régulièrement des séjours. Comment l’UE compte-t-elle mettre en action son nouvel instrument de sanction pour sanctionner ces personnalités responsables de violations graves des droits humains en Guinée ?
Pour toutes fins utiles, une liste de personnalités ayant fait preuve de zèle dans la répression de l’Opposition et la violation des droits humains est jointe en annexe. De plus, au vu de la gravité de la situation, il est également important de s’interroger au sujet de l’aide européenne aux pays où il y a un réel manque de démocratie. Comment l’UE s’assure-t-elle que ces fonds ne viennent pas alimenter des institutions de maintien de l’ordre qui ne respectent pas le minimum de standards requis ?
Je vous remercie.
Bien cordialement,
Liste des Députés signataires :
1- Maria Arena
2- Stelios Kouloglou
3- Javier Nart
4- Köster Dietmar
5- Pedicini Piernicola
6- Sylvie Guillaume
7- Norbert Neuser
8- Erik Marquardt
9- Isabel Santos
10- Hannes Heide
11- Aurore Lalucq
12- Assita Kanko
13- Ernest Urtasun
14- Caroline Roose
15- Michèle Rivasi
16- Raphael Glucksmann
17- Alfonsi Francois
18- Biteau Benoit
19- Careme Damien
20- Cormand David
21- Delli Karima
22- Delbos Corfield Gwendoline
23- Gruffat Claude
24-Jadot Yannick
25- Satouri Mounir
26- Yenbou Salima
27- Toussaint Marie
28- Udo Bullmann
29-Jordi Solé
30-Jan-Christoph Oetjen
31- Nicolae Ștefănuță
32- Ivan Štefanec