Seul Dieu peut faire ça. Je suis juste sans mot, au petit matin du 29è jour du mois saint de Ramadan, le 11 mai, Mamadou Diallo, notre Mohamed, s’en est allé. Pour l’éternité, sans crier gare. La nouvelle de la disparition de Mamadou Diallo, Administrateur général adjoint du Groupe de presse Lynx-Lance, me rend trop triste. Il pleure dans mon cœur encore, ma main tremble en couchant ce témoignage sur le dernier échange entre lui et moi, le lundi 10 mai. Ce mardi 11 mai, à 7h 17 mn, au saut du lit, mon téléphone couine. Mes nuits, au ramadan sont souvent courtes. Je fais la grasse matinée. Mais ce jour-là, j’ai dormi toute la nuit comme un bébé, sans imaginer un seul instant que Mohamed était en train de lutter seul contre la mort. Lui qui avait pris la relève de son père à la tête du Groupe Lynx-Lance, Lynx FM. Donc, Yacine Diallo, mon collègue, le cousin de Mohamed, au bout du fil : « Bonjour Koto Siré. J’ai le regret de vous annoncer le décès de Mohamed à l’aube… » Quel Mohamed ? Mamadou de Oncle Souleymane, me répond-il. Tu rêves Yacine, Mohamed a quitté le bureau hier soir, il n’était point malade. Qui t’a dit qu’il est décédé, a-t-il été victime d’un accident ? C’est Oncle Souleymane lui-même qui me l’a dit. Il m’a chargé d’appeler Abou Bakr et vous. Le corps de Mohamed est à la morgue de l’hôpital de l’Amitié sino-guinéenne… » Je raccroche et reste bouche-bée ! Prenant la nouvelle comme fausse, j’appelle Abou Bakr qui me dit avoir appelé Le Gros, ainsi qu’on appelle l’Administrateur général. Les mots vont me manquer pour exprimer ma tristesse. Quelle nouvelle foudroyante et affligeante, surprenante ? En mon cœur, s’est aggravé le chagrin causé par la disparition de papa le 3 avril passé. Convaincu que Mohamed est décédé une heure plus tard par les sanglots de Yacine que j’avais rappelé pour être sûr qu’il ne rêvait pas, assis, tout penaud, je revois Mohamed, jovial, silhouette élancée, crâne rasé (maintenant en permanence), au sourire plein d’allégresse, aux yeux brillants d’intelligence, déambuler ce lundi 10 mai, entre son bureau qu’il partageait avec son papa et ami et le bureau de la comptabilité, la salle des «machines», comme on aime se moquer des metteurs, puis la salle de Rédaction où il n’arrêtait de nous sourire, nous faire sourire. Mohamed et moi avions plusieurs fois échangé ce jour-là : du grand nombre des lecteurs de l’article : «Saran Daraba : Entorses à la vérité, sans gêne, sans vergogne» dans le site. Ensuite, de l’affichage des textes sur le site. Par deux fois, j’ai affiché les textes avant Mohamed ce jour-là. Je suis venu lui demander : «Mohamed, comment expliques-tu que je sois plus rapide que toi aujourd’hui. J’ai affiché tel texte, tel autre, mais tu les as toujours affichés après.» Mohamed, écarquille ses yeux clairs, sourire au coin des lèvres, se met à son clavier et me répond : «Je n’avais pas vérifié la liste des textes publiés. Ma connexion n’est pas bonne aujourd’hui.» Mohamed tourne alors son ordinateur, me montre les fenêtres qu’il a ouvertes, mais zéro page disponible. C’était avec le moteur Firefox. Je lui fais la remarque : «Chrome est plus efficace, non ?» Ce qu’il m’a toujours d’ailleurs conseillé. Mohamed répond : «Aujourd’hui, le débit de la connexion était nulle.» Curieusement, comme le Wifi de la boîte, sa connexion mobile n’était non plus efficace. Son papa et ami nous réplique : «Siré, concertez-vous avant de publier les textes que je vous envoie ! Je le répète, une fois pour toute, concertez-vous !» Mohamed, fixe du regard «son vieux»: «D’accord, papa !» D’accord, Monsieur Diallo, ajoutais-je, avant de rejoindre la salle de la rédaction. Dernière conversation entre Mohamed et moi, c’était autour du texte de la Une de La Lance N°1265, en cours. Quand j’ai ouvert le bureau, Mohamed, débout, nettoyant ses lunettes, regard fixé sur la télé, me reçoit. Après avoir constaté l’absence de son papa, je lui ai dit : «Il faudra dire à M. Diallo que ce n’est plus la peine de corriger le texte que nous venons de recevoir. Les articles des deux journaux sont envoyés à M. Diallo et mis souvent en copie à lui Mohamed, à Amadou, le patron des metteurs en page, à mon adjoint Labboyah et à moi-même. J’ai ajouté : Le Collectif des avocats des détenus politiques viennent de pondre un communiqué de braise pour répondre au gouvernement, je viens de le publier sur le site. Mohamed sourit, comme soulagé, me répond : «Ah là, c’est une bonne chose, parce que papa m’avait dit de le publier, mais comme tu as vu ma connexion…, je le cherchais, parce que je ne savais pas sur quel site il l’a lu. Mais comme tu l’as publié, je vais faire autre chose maintenant. Merci…» Telle fut notre dernière conversation, Mohamed ; ton dernier sourire avec moi. Il était 18h passées. Le crépuscule approchait, je faisais mes ablutions, j’ai entendu la porte d’entrée s’ouvrir et se fermer. Comment imaginer que tu nous avais quittés, Amadou, Abdallah, Fodé, M. Doré et moi, sans un au revoir ? Que la Une de La Lance N° 1265 du 12 mai allait porter sur ta soudaine et foudroyante disparition ? Tu es parti sans dire même un mot, toi qui disais toujours : «A demain», avant de rentrer. Comme si tu savais qu’en le disant ce 10 mai là, ç’aurait été plutôt un adieu, puisque ce demain n’arrivera plus jamais.
Et cette fin décembre 2019 ?
J’étais loin d’imaginer que toi le doué et passionné en informatique, toi qui m’as appris à afficher un texte d’abord avec Joomla, ensuite avec Word Press dans un site web, le site web de Le Lynx, était parti pour ne plus revenir au 5è étage de l’Immeuble Gnaly, ce nouveau siège de nos deux canards que tu m’as fait visiter un après-midi du mardi 31 décembre 2019. Te souviens-tu de nos boutades ce jour-là ? Quand je t’ai dit qu’il nous restait des pages à monter pour finir le numéro de La Lance en cours et qu’il fallait installer ne serait-ce que le serveur et l’imprimante A3, tu me disais : « Alors, il faut faire l’Assistant. J’ai aussitôt répliqué : Donc, le petit et ignare assistant en câblage réseau… Tu m’as aussitôt répondu : Non, Koto Siré, ne mange pas ton piment dans ma bouche, deh… On a rigolé et nous nous sommes mis à installer les machines, au point que le lendemain, Amadou et moi, avions pu boucler le numéro, paru le jeudi 2 janvier 2019.
Oui ! depuis fin 2018, quand Mohamed avait pratiquement fini de prendre les rênes du Groupe de Presse Lynx-Lance, il m’a mis le pied à l’étrier pour le Webmaster. Je ne sais pourquoi, mais ses cours étaient si brefs. Peut-être que je comprenais trop vite et qu’il estimait que «je peux me débrouiller» ou bien que je comprenais trop ses leçons. Tant bien que mal, je parvenais à afficher les textes, sans secours, et des fois, j’ajoutais des choses qu’il ne m’avait pas apprises. Quand je le lui disais, il souriait, comme à son habitude et m’encourageait : «Koto Siré, tu peux faire mieux. Je le sais. Je vais me trouver un temps, pour qu’on aille en profondeur des choses, pour la visibilité du site. On va se mettre à jour…», me lançait-il souvent. J’acquiesçais de la tête, mais me demandais pourquoi Mohamed reportait ma formation à plus tard… En fait, Mohamed avait beaucoup de choses à faire à la fois. Le site est victime de tentatives de piratage ? (Le lundi 26 avril dernier, il en a recensé pas moins de 509 entre 2h et 12h). Le serveur du Lynx ne répondait pas ? Au secours, Mohamed ! La connexion était défaillante ? A l’aide, Mohamed, ou bien il faut en parler à Mohamed ! Un téléphone Androïde s’est planté ? Dites-le à Mohamed ! N’est-ce pas Monsieur Doré ? N’est-ce pas Monsieur Barry ? L’imprimante manquait d’encre ? Parlez-en à Mohamed ! Le virement des salaires n’est pas encore effectif à la Banque ? Dites-le à Mohamed. Un ordinateur se plante, quelqu’un veut en acheter ? Adressez-vous à Mohamed. L’émetteur de Lynx FM, le Groupe de la SOGUIP, en panne ? Point de carburant pour les voitures de distribution ? Mohamed, toujours Mohamed ! Il avait la réponse satisfaisante, il était disponible, courtois. Même loin du bureau, sollicité, il répondait : « O.K, j’arrive, on va voir ça ; Oui, je m’en occupe.» Mohamed, tu as laissé tout ce monde orphelin.
Mohamed n’est pas tombé !
Mohamed, sûr qu’il s’est juste couché, pour laisser sa semence se développer. Merci pour tout, Mohamed. Que Dieu t’accueille dans son paradis éternel. Intelligent, exemplaire, affable, modeste, généreux, serviable, humble, digne de confiance, disponible, que sais-je encore, je ne t’oublierai dans mes prières. Dors en paix, adorable ami, adorable frère. Tu ne mourras jamais, tes nombreux œuvres et services à nous rendus par toi te font immortel.
Mohamed, tu es parti en nous laissant comme ça ? Toi qui as cru en nous et qui nous promettais l’informatisation complète de la fabrication des journaux, jusqu’au dernier canson ? Oui, et ton projet de Superdesk ? Ce projet qui te tenait à cœur, que le Covid-19 a mis en veille ? Te rappelles-tu tous ses avantages ? Il permet d’améliorer la productivité, non ? En exemple, nous encourageant, tu citais le confrère « Le Monde » qui publie, toutes les 2 mn de nouvelles, non ? Oui, Mohamed, récemment, comme le 18 février 2020, tu me confiais : «Il est crucial qu’on y arrive dans un monde de plus en plus connecté et de plus en plus réactif.» Maintenant que tu es parti, qui nous mettra au top pour utiliser cette plateforme de production et de distribution d’actualités puissante ? Tu vas terriblement nous manquer. Là-haut, sûr que tu as retrouvé les devanciers, tes tontons Williams Sassine, Sékou Amadou, Prosper Doré, Kéïta Assan Abraham, Mme Diallo Bintou. Adieu, cher ami, cher frère, cher maître ! Telle a été la volonté de Dieu ! Puisse Dieu donner la force à ta chère maman, à ton cher papa et ami, à ta chère épouse, de supporter la douleur de ta disparition, que tes deux bouts de choux grandissent sous leur protection et la bienveillance de Dieu, le Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Mamadou Siré Diallo