L’histoire commence à Tombouctou, dans le nord du Mali. Halima Cissé, étudiante en secrétariat, et son mari, Abdelkader Arby, comptable dans l’armée, souhaitent un second enfant. Ils sont déjà parents d’une petite fille de deux ans. Les mois passent, l’attente leur semble longue. Le Dr Seydou Sogoba, chef du service de gynécologie de l’hôpital régional de Tombouctou qui avait suivi la première grossesse du couple, leur propose un accompagnement thérapeutique par induction d’hormones injectables. Lorsque la nouvelle grossesse commence, le toubib pratique une échographie et compte alors, à sa grande surprise, sept embryons.  «Je me suis dit : ah, il y a quelque chose que je ne comprends pas». J’ai appelé un collègue radiologue. Nous avons refait l’échographie ensemble. Il m’a dit : «ah mon cher collègue, ce que tu as vu, c’est ça». Nous avons alors expliqué la situation à Mme Halima Cissé. Elle a dit «c’est extraordinaire !» et elle s’est mise à rire.»

Sept embryons repérés, mais le Dr Sogoba sait qu’il peut y en avoir plus. La qualité de l’appareil utilisé pour les échographies à l’hôpital régional de Tombouctou est limitée et dans de tels cas de grossesses multiples, il est très difficile de distinguer avec certitude tous les embryons.  Le Dr Sogoba, conscient du risque d’interruption spontanée de la grossesse, décide de procéder à un cerclage à treizième semaine et même s’il décrit Halima Cissé comme une patiente « souriante, confiante et sereine », il sait que c’est une grossesse à haut risque. D’un commun accord, il est décidé avec les futurs parents, de privilégier la discrétion et de ne pas médiatiser cette situation médicale hors normes avant d’en connaître l’issue.

Les semaines passent. Les embryons continuent à se développer normalement. Le Dr Sogoba contacte son « maître » comme il l’appelle, le Pr Tiounkani Thera, chef du service maternité au Centre hospitalier universitaire du Point G à Bamako. Les deux médecins conviennent que pour le suivi de Mme Cissé, les capacités du CHU de la capitale malienne sont plus adaptées. Le Dr Sogoba propose à la famille un transfert vers Bamako. Les fonds sont rassemblés. Nous   sommes courant mars. Halima Cissé est dans son cinquième mois de grossesse. Elle prend l’avion pour la première fois de sa vie, accompagnée du Dr Sogoba.

Une fois à Bamako, elle est prise en charge au sein du service du Pr Thera qui alerte le ministère de la Santé et demande à son collègue, le Dr Drissa Diarra, gynécologue-obstétricien, d’assurer le suivi de la patiente. « Halima était dans sa 23è semaine, elle allait bien, elle souffrait seulement d’anémie et a été transfusée pour cela. » Rapidement, la situation est réévaluée par l’équipe médicale. « Il fallait peser le risque encouru pour la mère comme pour les fœtus », explique le Dr Diarra. L’utérus de Halima Cissé qui accueille sans qu’elle le sache encore à ce moment-là neuf fœtus est si grand que le risque d’hémorragie post-partum est important. Le diaphragme est de plus en plus compressé, menaçant de provoquer une détresse respiratoire. De plus, pour son premier enfant, Halima Cissé a déjà subi une césarienne, la cicatrice utérine est fragile. L’équipe médicale du CHU de Bamako sait aussi qu’en cas de naissance imminente, le plateau technique du Point G n’est pas adéquat pour prendre en charge des prématurés nés si petits et si tôt. Le Pr Thera active ses contacts dans plusieurs pays. C’est au Maroc, que la réponse sera la plus rapide. Le directeur de la clinique Aïn Borja de Casablanca, qu’il a déjà visitée, confirme pouvoir prendre en charge Halima Cissé et les futurs nouveaux nés.

Le ministère malien de la Santé est informé et sur instruction du président de la transition Bah N’Daw, l’évacuation par avion est organisée. Le mari de Halima Cissé ne pouvant pas quitter son poste au moment du départ, il est décidé qu’il rejoindra sa femme plus tard. C’est donc le Dr Diarra qui accompagne Halima Cissé avec la belle-sœur de cette dernière.  Le Dr Drissa Diarra raconte : « Elle a saisi ma main au moment du décollage. Sur le plan psychologique, elle tenait bien. La seule chose que je craignais, c’est que le stress du voyage déclenche quelque chose dans l’avion. Je me préparais en conséquence pour cela. J’essayais de rassurer Halima pour qu’elle oublie le risque. À l’arrivée à l’aéroport, l’ambulance de la clinique était prête. On a demandé à visiter le plateau technique, cela nous a rassurés. J’ai pensé « on aura gain de cause ». » 

La clinique Ain Borja de Casablanca est dirigée par le Dr. Youssef Alaoui. Il raconte : «Cette dame est arrivée alors qu’elle avait 25 semaines de grossesse, à ce stade-là, l’accouchement n’est pas possible, car la durée de la grossesse doit être d’au moins 30 semaines, c’est-à-dire entre sept mois et demi et huit moisSon état est stable et elle est actuellement en soins intensifs. Le poids des bébés varie entre 500 grammes et un kilogramme. La mère n’était pas stable, au début elle saignait, au niveau de l’utérus. Mais le personnel médical a pu trouver une solution

Les spécialistes s’inquiétaient pour la santé de Halima Cissé et pour les chances de survie des fœtus. L’accouchement s’est fait par césarienne et aucune échographie n’avait prévu autant de bébés. La dernière en date prévoyait 7 enfants. La jeune maman de 25 ans a accouché de 4 garçons et 5 filles, neuf bébés au total. Des nonuplés.

A présent, la maman et les enfants se portent bien. Ils rentreront dans leur pays dans plusieurs semaines. Halima Cissé devrait bientôt figurer dans le livre des Records. Elle détrône une Américaine de 45 ans, qui avait accouché d’octuplés, 8 bébés, en janvier 2009.

Avec RFI