L’arrestation du prédicateur et promoteur de la prière en langue malinké a fait l’objet de beaucoup de commentaires. La Guinée étant un pays laïc, sur quelle base légale Nanfo a été arrêté ? Pourquoi ? Ses prières dérangent-elles les autres fidèles ? Chacun y est allé de son commentaire. Maitre Mohamed Traoré, avocat, a par exemple estimé qu’en poursuivant Nanfo, il faudrait bien que les autorités religieuses pensent à «l’infraction» qui pourrait être invoquée contre lui devant les «tribunaux laïcs» puisqu’il n’existe, pour le moment, ni tribunaux islamiques ni charia en Guinée. Et d’enchainer qu’en attendant que soit codifié comme délit ou crime le fait de prier en langue nationale, il n’y a aucune base légale qui punisse le comportement de Nanfo. «C’est à ce niveau qu’il faut situer le débat par rapport à son interpellation ou d’éventuelles poursuites judiciaires contre lui». L’avocat trouve que ce serait bien qu’un député porte un jour un tel projet de loi devant l’Assemblée nationale. Que d’ici là, il faut libérer Nanfo.
C’est quoi la laïcité ?
Si la Guinée est un pays laïc, devrait-on laisser chacun faire ce que bon lui semble ou contrôler les pratiques religieuses ? Le Robert définit la laïcité comme le principe de séparation de la société civile et de la société religieuse. Le Larousse quant à lui comme une Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. L’on se rend compte que les deux parlent plutôt de séparation. En France, par exemple, des mosquées sont surveillées, des imams interdits de prêcher pour empêcher qu’ils endoctrinent et radicalisent certains fidèles. Rappelons les manifestations à travers le monde musulman contre les propos de Macron : «la France ne renoncera pas aux caricatures». Ils avaient créé des dégâts matériels, des magasins français ont été pris pour cibles, il y a eu des appels au boycott des produits français. Pire, il y a eu la mort de l’enseignant Samuel Paty. Macron pouvait éviter tout cela, sans déclaration polémique. Le lien avec Nanfo est que, si l’autorité ne l’arrête pas dans sa dérive, des musulmans choqués pourraient s’en prendre à lui et à ses partisans. Il est difficile d’en prévoir les conséquences d’une telle situation. Ce que Nanfo fait n’est pas prévu et puni par la loi, il est vrai. Ses prières n’empêchent pas les autres fidèles de prier, manger, boire ou travailler, mais ce n’est pas pour autant que ses actes ne sont pas dérangeants. Ses actes choquent la majorité des musulmans. Quoique dépourvue de fondement légal, son arrestation viserait à prévenir un trouble à l’ordre public, la mise en danger de sa vie, celle de sa famille et de ses disciples. Ses actes pourraient dégénérer en affrontements entre pro et anti Nanfo. L’essence de la loi est de prévenir une telle situation. Le législateur est interpellé. La Ligue islamique lui avait interdit de diriger la prière en public ou de sonoriser ses prières à domiciles. Mais il a outrepassé cette interdiction.
Oumar Tély Diallo