La Guinée a ratifié la Convention de Bamako, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, la Convention de Bâle, elle a signé l’Accord de Paris sur le climat, mais elle s’est ratée face aux déchets et à la pollution. Cette enquête est la dernière de la série d’articles que Le Lynx vous propose sur la gouvernance économique en Guinée. Elle est réalisée avec l’appui d’OSIWA (Open Society Initiative for West Africa, en français Initiative pour des sociétés ouvertes en Afrique de l’Ouest).

Un mauvais coût

Les entreprises sont tenues de souscrire à une police d’assurance pour leurs employés. Gué Georges Doré, DGA de Lanala IRDT (société d’assurance) explique que l’assurance en Guinée est à l’état primaire, autour de 50%. Beaucoup d’entreprises souscrivent pour leurs travailleurs et leurs familles. «On demande une prime calculée en fonction de l’âge du travailleur. On donne des fiches où les assurés cochent les pathologies dont ils souffrent. Si les réponses sont contraires à la réalité, l’assurance peut décider d’augmenter la prime parce que le travailleur s’est tu sur une maladie chronique, par exemple. À la fin de l’année, il se trouve que nous avons dépensé plus que ce que l’assuré a cotisé, il nous rembourse et inversement».

La Guinée compte 12 sociétés d’assurance, leur chiffre d’affaires en 2019 était de 272 milliards de francs guinéens, en 2020 de 550 milliards (Banque centrale.)  «L’Etat devrait assurer tous ses fonctionnaires, notamment les enseignants. Si possible, toute la population comme au Rwanda. Plus notre chiffre d’affaires est grand, plus les impôts que nous payons le sont. Ce n’est pas le cas, le manque à gagner est énorme pour l’Etat et pour les sociétés d’assurances, difficile à quantifier», constate Gué Georges Doré, DGA de Lanala assurance.

Selon l’OCDE, Organisation de coopération et de développement économique, en 2016, l’augmentation des concentrations de PM2.5 et d’ozone a eu un grand effet sur l’économie mondiale. Les coûts des soins de santé liés à la pollution de l’air passeraient de 21 milliards USD en 2015 à 176 milliards USD en 2060. Le nombre annuel de jours de travail perdus coûterait quelque 1,2 milliard de dollars au niveau mondial, pas du tout bon pour la productivité. Ce chiffre pourrait atteindre 3,7 milliards de dollars en 2060, prévient l’OCDE.

La Banque Mondiale a chiffré les pertes de revenus du travail imputables aux décès liés à la pollution : 225 milliards de dollars (en 2013), à raison d’1% du PIB en Asie du Sud, 0,25% en Afrique subsaharienne. Le coût total des décès prématurés dus à la pollution de l’air aurait été de plus de 5 000 milliards de dollars en 2013.

Tueuse sournoise

L’incinération des décharges sauvages dans Cona-cris-la proprette, les rejets des pots d’échappement des autos d’occasion, les poussières mé/dégoudronnées, les déchets à ciel ouvert. En février dernier, une épaisse couche de poussière a enveloppé Conakry plus de deux semaines durant. Entre novembre et décembre 2019, la ville de Fria a été embrumée d’un nuage de poussière d’alumine provenant de l’usine Friguia. De 2015 à 2017, les riverains de l’axe Sonfonia-Kagbélen, ont inhalé quantité de poussière. En mai 2016, les autorités ont fermé momentanément l’usine Ciment de Guinée accusée de pollution. A travers Conakry, des poubelles incandescentes déversent quantité de monoxyde de carbone, faisant le lit : accidents vasculaires cérébraux, cardiopathies, cancer du poumon, affections respiratoires, comme l’asthme, la BPCO, Bronchopneumopathie chronique obstructive. Un phénomène qui n’est pas chiffré en Guinée. L’OMS, en 201   6, estimait à 251 millions de personnes souffrant de BPCO, 339 millions d’asthme, 417 918 décès à travers le monde.

Au service pneumophtisiologie de l’hôpital Ignace Deen, l’asthme dispute les motifs de consultations à la tuberculose. Des cas de BPCO font florès. L’asthme, maladie chronique inflammatoire des bronches se caractérise par des difficultés respiratoires. «Ces difficultés respiratoires se manifestent la nuit et peuvent disparaître spontanément ou à travers les traitements. Il y a l’asthme intermittent, persistant léger, persistant modéré et sévère. Quand il est sévère, il faut vite consulter, sinon elle peut tuer», avertit Dr Mamadou Hawa Camara du service de pneumophtisiologie de l’hôpital Ignace Deen, enseignant chercheur à la Faculté de médecine. Ces deux pathologies ont un lien direct avec la pollution de l’air ambiant. L’être humain respire 15 m3 d’air par jour. Et précise Dr Camara. «S’il n’y en a pas en Guinée, en France et dans d’autres pays, les études ont montré qu’à chaque fois que les particules dans l’air augmentent de 10 microgrammes, le nombre de consultation des asthmatiques aux urgences augmente de 1%.

En Guinée, le dioxyde de souffre, le dioxyde d’azote, l’ozone sont présents dans l’air, donc il y a un risque». Oumou Doumbouya, Directrice nationale adjointe de Pollution, Nuisance et Changement climatique en remet une couche. Au monoxyde de carbone dans l’air via les pneus brûlés et les véhicules diesel s’ajouteraient les poussières des cimenteries, industries, clinker, particules d’aluminium à Fria, dit-elle. «Nous sommes entourés par la mer, elle absorbe beaucoup de particules, ce qui nous sauve. Les caoutchoucs sont des polluants organiques persistants, ils dégagent du dioxyde de carbone qui donne le cancer de poumon». Nos autorités sont à condamner pour non-assistance à son peuple en danger.

L’asthme, stressant

«C’est très embarrassant de sortir mon inhalateur en public, mais si je n’inhale pas, je vais faire des crises d’asthme. Le public m’a plusieurs fois assimilé à un possédé, l’asthme affectait ma vie quotidienne». Cet asthmatique qui a difficilement assumé dispose d’une pompe. «Le plus dur, c’est quand tu es sur le point de te marier, ta fiancée annule tout à la dernière minute, elle a appris que tu fais des crises, alors que t’es juste asthmatique…»

Bien des employeurs réfléchissent avant d’engager un asthmatique, qui est souvent absent, juger peu productif. Dr Mamadou Hawa Camara indique que la prise en charge d’un asthmatique coûte le SMIG en Grimpeurland fait moins de 50 dollars. «Il y a des médicaments à 450 000 Gnf pour juste un mois, deux mois pour certains. Il y a des produits à 900 000 Gnf, comme les symbicorts ou les pulmicorts». En France, précise le toubib, ces malades sont considérés comme des ALD (Affection de longue durée) et sont pris en charge par la Caisse de sécurité sociale. La ci-devant législature avait examiné un projet de loi sur l’assistance des malades chroniques. Projet passé à l’as ! Pour des raisons qu’on ignore encore. Peut-être que les Corona-dépités seront plus regardants.

Bouteille à l’encre

Connaître du niveau de la pollution de l’air à Cona-cris, vous pouvez vous fouiller, aucune donnée ! Les sites https://www.iqair.com/ et https://aqicn.org/ publient des données en temps réel. Le taux de pollution est calculé sur la base de la concentration des particules dans l’air, exprimée en microgramme (un micron = 0,001 millimètre). La norme de l’OMS est de 25 μg/m3 moyenne sur 24 heures pour les matières particulaires fines (PM2.5). Ce sont des particules très fines qui pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire jusqu’aux alvéoles pulmonaires et peuvent passer dans la circulation sanguine. Pour les matières particulaires grossières (PM10), c’est 50 μg/m3 moyenne sur 24 heures. Elles sont plus grosses, sont retenues au niveau du nez ou des voies aériennes supérieures. Selon ces deux sites, entre le 15 et le 18 avril 2021, l’indice de qualité de l’air à Conakry était de 21 µg/m³ pour les particules PM2.5. Le 18 avril 2021 particulièrement, il était de 28 µg/m³. A titre de comparaison, il était de 32 µg/m³ à Bamako, 13.9 µg/m³ à Accra, 13 μg/m3 à Abidjan et 11.1 µg/m³ à Monrovia et 3 µg/m³ à Dakar. Constat : le taux de pollution est plus élevé à Conakry et à Bamako.

Oumar Tély Diallo

Yaya Doumbouya

et Yacine Diallo