Depuis un moment, une rumeur fait le tour de la cité à propos d’une éventuelle augmentation du prix du carburant à la pompe à partir de ce 1er juin. Le président du parti Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée (UDRG), Bah Oury, invité dans l’émission Œil de Lynx, n’a pas caché sa colère. Selon l’opposant, ce débat autour du prix du carburant ne date pas d’aujourd’hui. De 2018 à nos jours, c’est pratiquement le même problème. «Trois ans après, on rebelotte, on fait les mêmes discours, les mêmes échanges sans prendre en compte les difficultés et les rigidités structurelles de l’économie guinéenne pour essayer de résoudre un problème et d’avancer».
A l’en croire, les autorités guinéennes depuis l’indépendance ne se sont jamais posé la question ‘’pourquoi notre pays n’avance pas ? Quels sont les véritables problèmes ? « Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Le seul président qui a tenté des mesures énergiques qui n’ont pas été accompagnées dans la durée et prendre en compte les imperfections et les corriger, c’est le Général Lansana Conté. Le discours du 22 décembre 1985, était un tournant dans la manière dont le pays a été dirigé. Mais malheureusement, dans la durée, les structures étatiques, c’est-à-dire ce que certains appellent la classe politico-bureaucratique, qui est au niveau des instances de décision avec le modèle libéral qui a été mis en avant se sont mues en hommes d’affaires. Leur complicité avec l’Etat, au lieu d’aller dans le sens d’émergence d’une véritable société guinéenne, avec un secteur privé fort indépendant de l’Etat, au contraire, c’est l’Etat qui a été vampirisé ».
Bah Oury trouve que le gouvernement n’a pas tenu compte du contexte mondial : une récession mondiale du fait de la Covid 19, une baisse d’activité à tous les niveaux. « Ils ont voulu faire ce qu’ils veulent et quoique cela coûte. Et ils ont accru la charge du trésor vis-à-vis de la banque centrale durant l’année 2020 de près de 5 milliards de dollars, c’est à dire 5 milles milliards. Donc, c’est la banque centrale, avec sa garantie, qui permet durant cette période de faire fonctionner l’Etat et cette charge qui a accru la charge publique. A quoi cela a servi ? Est-ce que cela a accru des richesses ? Est-ce que cela a permis des investissements ? En d’autres termes, cela a permis à faire des opérations politiciennes et une bonne partie a pris des canaux. Il faut essayer de savoir quels sont ces canaux opaques qui ont enrichi, notamment une petite poignée d’individus. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, à l’heure de vérité, il faut essayer de compenser tout cela parce qu’on ne peut plus continuer à accroitre les déficits par ce biais. Il faut tenter de renflouer les caisses. Maintenant, il faut augmenter la taxe sur les produits pétroliers, exiger les permis et l’immatriculation des véhicules, essayer de faire des cartes d’identités biométriques qui coutent 160 000 fg. Alors si un Etat veut encourager sa population, les cartes d’identité seront vendues à un coût accessible à tout le monde ».
Avoir de l’argent coûte que coûte
Selon Bah Oury la situation financière guinéenne est désastreuse. Et la volonté de comprendre cela amène des mesures qui manquent d’imagination, d’anticipation et qui ne feront qu’accroitre les difficultés du budget national. « Parce que quand le carburant augmente immédiatement les prix vont grimper. Vous aurez les syndicats et tous les travailleurs du secteur formels vont exiger une augmentation salariale, ce qui est tout à fait logique et normale. Vous allez vous retrouver avec une crise sociale aigue. D’ailleurs, je ne sais pas qu’est qui leur a pris de fermer les frontières sous le prétexte de questions de sécurité. Vous brisez l’élan économique des gens, vous les empêchez de gagner leur pain. Vous empêchez l’Etat guinéen d’avoir des ressources du fait des transactions économiques qui se passent entre les frontières du Sénégal et de la Guinée Bissau. Une bonne partie des activités économiques qui ont permis malgré tout à la population de rester débout vous fermez cela et vous essayez de dire qu’on a des problèmes. Comment on peut comprendre des autorités qui, de ce point de vue, sont en train d’asphyxiés l’économie de leur pays et de pleurnicher comme quoi il n’y a pas d’argent ? C’est impensable, cela manque de logique », regrette-t-il.
Pour l’opposant que si notre gouvernement avait écouté ou pris en compte la perspective de faire évoluer notre pays dans la stabilité et de préparer l’avenir des générations, on aurait fait autrement les choses dans l’intérêt du pays. « On tue le secteur privé naissant dans le secteur agricole que dans le secteur de transport. On décourage les jeunes qui veulent investir pour gagner leur pain d’eux-mêmes. Après vous dites que c’est une question de sécurité mais la véritable de sécurité qui se pose c’est la stabilité de votre pays, c’est la confiance que les populations ont vis-à-vis du pouvoir. J’ai l’impression que ce gouvernement soit, ils ont perdu le sens de la réalité mais ils évoluent dans une direction totalement opposée à l’intérêt national ».
Bah Oury Estime que ce gouvernement a atteint la limite. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le temps de changement est pratiquement arrivé parce que nécessairement il faut que la Guinée change. « Nous sommes au bord du gouffre, s’il n’y a pas un sursaut le plus rapidement possible pour redresser la barre de manière nette, la situation risque d’être périlleuse. Il faut que toutes les forces vives du pays se mettent ensemble pour prendre en compte l’Etat réel de la situation au tant politique, économique mais aussi sociale. Ensemble faire émerger un consensus qui permettrait de se donner la main pour que progressivement nous traversons le virage en douceur pour ne pas tomber pas dans le gouffre ».
Kadiatou Diallo