Le procès des présumés ravisseurs de l’opérateur économique El Hadj Abdourahmane Diallo dit El Hadj Doura a repris ce 14 juin, au tribunal de première instance de Dixinn. Une vingtaine de personnes de quatre nationalités différentes sont renvoyées devant le tribunal criminel de Dixinn pour des faits d’association de malfaiteurs, d’enlèvement, de séquestration, de complicité, de recel, d’abstention délictueuse et de blanchiment de capitaux.
A l’audience de ce lundi, El Hadj Mamadou Diallo, un des présumés cerveaux de l’enlèvement campe sur sa position : «Je n’ai jamais participé à un enlèvement. Je reconnais avoir été chercher l’argent, mais je ne savais pas que c’était pour une telle affaire. »
«Pourquoi vous n’avez pas dit aux autres que la famille a versé la rançon de libérer le vieux ?», lui demande alors le procureur. «Je l’avais dit à Ibro, mais il m’a dit de garder l’argent, qu’il en aura besoin», rétorque El Hadj Mamadou Diallo. Mais sa version a vite été balayée par Oumar Barry, un commando du bataillon de la Sécurité présidentielle qui a participé au Kidnapping : «El Hadj Mamadou Diallo est allé me chercher à la maison (à Maférinyah, ndlr) avec Ibro. On est descendu à Conakry, El Hadj a pris une chambre pour nous dans un motel à Nongo. Nous y sommes restés jusqu’à 4h du matin. Il m’a réveillé, m’a dit de l’accompagner, que son père était malade… Arrivés à Bambéto, il m’a dit de m’arrêter, deux de ses amis sont montés. Nous sommes allés à Hamdallaye, ils sont descendus. Quelques minutes plus tard, il m’a dit d’envoyer le véhicule. Ils avaient déjà le vieux en main, ils l’ont fait monter. Nous sommes allés à Entag, El Hadj Mamadou m’a dit que le marabout qui soigne son père n’est plus là, d’aller à Sonfonia. Quand nous sommes arrivés, il m’a donné 50 000 francs guinéens pour le transport. Je lui ai dit : Non, comme ton père est malade, je prends 30 000gnf. Je suis rentré chez moi. » Oumar Barry reconnaît, sans détour, avoir participé à l’enlèvement d’El Hadj Doura avec El Hadj Mamadou, le nommé Ibro et deux autres et à son enterrement : «Bien avant l’enlèvement, j’avais loué une villa d’un de mes grands à Ibro et à El Hadj. Ils m’avaient dit qu’ils collaboraient avec des Chinois, qu’ils veulent implanter une usine de conserve à Maférinyah. Mais ils ont transporté le vieux à mon insu à Kénendé, puis dans cette villa que je leur ai donnée. Quand le vieux est décédé le 19 janvier 2018, El Hadj Mamadou est venu me voir, on est allé boire du vin blanc, il m’a dit qu’Ibro est chez moi. J’ai dit : «Allons le voir.» Il dit : «Non finissons notre commande.» Quand nous sommes arrivés, j’ai vu le vieux allongé sur terre, il m’a demandé : «Tu le connais, non ? » J’ai répondu : «Oui, c’est ton père. » Il dit : «Non, c’est un vieux qu’on a enlevé pour de l’argent, mais il est mort. Il faut trouver le moyen de l’enterrer cette nuit.» Je leur ai dit qu’on ne creuse pas dans notre cimetière la nuit. J’ai voulu alerter les autorités, ils ont menacé de laisser le corps avec moi. »
Pris de panique, Oumar Barry aurait alors décidé de se plier à la volonté d’El Hadj Mamadou Diallo : «Nous l’avons envoyé au bord du marigot, Ibro, El Hadj Mamadou Diallo, un autre de leurs amis et moi l’avons enterré. Personne n’a prié sur le corps, nous n’avons pas fait de toilette funèbre. Nous l’avons juste mis sous terre comme ça.»
«Vous ne pouviez pas le faire parce que vous étiez ivres», s’exclame l’avocat de la défense. «Malheureusement, oui», admet Oumar Barry. Et de renchérir : «Tout ce problème, c’est El Hadj Mamadou Diallo. C’est lui qui a tout organisé, c’est lui qui nous a mis dans cette situation. Lui-même l’a reconnu à la gendarmerie. Il nous a utilisés en réalité.» Faux, rétorque El Hadj Mamadou Diallo : «Ce que je vois dans cette affaire, c’est qu’ils sont tous fâchés contre moi, ils veulent me détruire, mais c’est moi qui dit la vérité.»
Sur les 100 000 dollars américains versés comme rançon par la famille du défunt, El Hadj Mamadou Diallo affirme s’être taillé 60 000 dollars. Selon lui, il aurait acheté des véhicules en Gambie, des plantations en Guinée-Bissau et à Koumbia dans Gaoual. Un de ses complices aura ramené 75 millions de francs guinéens au Tribunal de Dixinn.
Yacine Diallo