La journée de ce lundi 21 juin aura été longue pour Ismaël Condé. Le premier maire-adjoint de la commune de Matam est traduit devant la justice pour deux affaires distinctes. Aujourd’hui opposant, le transfuge du RPG arc-en-ciel est accusé d’escroquerie, d’entrave à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats  dans les marchés, les concessions, d’égalité de service public et complicité, d’une part, et d’offense sur la personne du Président de la République, production, de diffusion et de mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre public, et d’injures par le biais d’un système informatique.

Dans les deux affaires, le prévenu a plaidé non coupable. Aussitôt terminée la déposition d’Ismaël Condé dans la première affaire, l’audience a été renvoyée à huitaine. En cause, l’avocat de la partie civile et la juge, Djénabou Dongghol Diallo, ont voulu entendre le témoignage de Sékou Camara, qu’ils prenaient pour le patron de la PME Etoile émergente, alors qu’en réalité il n’est qu’un travailleur. La défense l’a récusé pour défaut de qualité. Sékou Camara aurait reçu mandat de représenter le propriétaire de la PME à ce procès, bien après l’incarcération d’Ismaël Condé.

«On le récuse, parce qu’il en sait de trop », a clamé l’avocat de la partie civile. Il est appuyé par la représentante du ministère public : «Le parquet est totalement passé à côté. Il doit même s’intéresser au droit pénal des affaires. Quelle est la qualité de monsieur Kaba? Il n’est pas partie civile dans cette affaire. S’il veut l’être, il doit avoir une procuration spéciale », rétorque Me Mohamed Traoré. Un autre avocat d’accuser la partie civile de vouloir retarder la procédure pour prolonger la détention du prévenu. La défense demande alors la mise en liberté de leur client. Demande rejetée par la juge. Elle a finalement ordonnée la comparution de plusieurs autres personnes en qualité de témoins.

Ismaël Condé est incarcérée dans la seconde affaire pour des publications qu’il aurait faites sur les réseaux sociaux. Il a notamment repris un discours qu’Alpha Condé aurait tenu en 2003 dans lequel ce dernier insinuait que le seul moyen pour une opposition d’obtenir l’alternance en Afrique est de recourir aux armes : «Je militais depuis plus de 20 ans dans le RPG. Ma mère a cru au Pr Alpha Condé, elle nous a inscrits à l’école de cet homme. Je n’ai invité personne à faire la guerre, j’ai fait une communication politique. Je ne suis pas un homme violent parce que j’étais à l’école du professeur Alpha Condé. Si je le suis, cela veut dire que j’ai appris dans son école. »

Pourquoi avez-vous insulté le Président de la République ? Lui demande la juge Djénabou Dongghol Diallo. La question a irrité les avocats de la défense: «Vous avez déjà montré votre position. Rendez votre décision, parce que nous savons que vous l’avez déjà condamné », crie Me Mohamed Traoré. A partir de là, le procès est allé de polémique en polémique. Djénabou Dogghol Diallo ne digérait pas le fait qu’Ismaël Condé ait appelé le Chef de l’État par Alpha Condé sans ajouter le titre «Président», ensuite, parce que les avocats de la défense ont voulu lier l’incarcération de leur client à son opposition au tripatouillage constitutionnel et son changement de camp politique.

Ismaël Condé, lui, dit regretter aujourd’hui ses publications, mais ne demande pas pardon : «Comme tous les autres qui avaient tenus de tels propos avant les élections, je regrette aujourd’hui. Les élections sont derrière nous, chacun est passé à autre chose. Je regrette de me retrouver dans un système qui m’amène en prison à cause de telles choses. Mais je n’ai jamais insulté le Président de la République, je l’aimais même à un moment de ma vie.»

Dans ses réquisitions, le procureur, Joséphine Loly Tinquiano, a eu la main lourde. Elle a demandé au tribunal de retenir Ismaël Condé dans les liens de la culpabilité : «Il est constant que monsieur Ismaël Condé a choisi la période préélectorale pour chercher à troubler l’ordre public. Il a insulté le Chef de l’État. C’est pourquoi, le ministère public requiert qu’il vous plaise,  de condamner le prévenu à 7 ans d’emprisonnement et au paiement de 100 millions d’amende. Si vous le faites, cela va décourager d’autres personnes qui aspiraient à faire de tels actes. »

L’audience s’est poursuivie avec plaidoiries de la défense.

Yacine Diallo