La nouvelle technique de déstabilisation d’un parti d’opposition consiste à arrêter certains de ses responsables et militants, à les faire juger, condamner et emprisonner. Par la suite, on leur fait croire qu’ils sont abandonnés par leur parti.  Ce qui peut créer parfois une implosion du parti politique visé, à moins que ses membres ne fassent preuve de discernement et de retenue.

Cette méthode, qu’on peut qualifier de «forte», s’applique spécialement aux acteurs politiques qu’on ne parvient pas à débaucher par des moyens plus «souples» tels que les nominations à des postes ou des espèces sonnantes et trébuchantes ou plus généralement des avantages matériels. Mais chacun d’entre nous devrait avoir à l’esprit que la disparition de toute opposition dans un pays est une situation hautement préjudiciable à la démocratie et à l’État  de droit.

En tout cas « les quelques responsables de l’UFDG…arrêtés l’ont été en tant que commanditaires directs d’actes de violence commis tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays : maisons incendiées, destructions de biens publics, poteaux électriques sciés,  assassinat de membres des forces de l’ordre, etc. Il ne s’agit en aucun cas de prisonniers politiques, mais de fauteurs de troubles, coupables d’avoir envoyé contre la police des jeunes munis d’armes blanches, parfois de fusils et d’explosifs.  Nous avons toutes les preuves, et elles seront exposées lors du procès, y compris les appels au meurtre contre ma personne. Les Guinéens savent quelle est l’étendue de la responsabilité de ces gens dans les violences, et pas un chat n’a bougé lors de leur arrestation.» Ces propos sont ceux du Président de la République dans le n°3099 -Avril 2021 du journal Jeune Afrique.

Parlant de la situation de ces mêmes détenus politiques, un politicien est allé jusqu’à dire avec une pointe de cynisme, que la ville est calme depuis qu’ils sont en prison. Ce qui sous-entend que ce sont eux qui semaient ou commanditaient les troubles à Conakry. Mais il a suffi que trois d’entre eux signent une tribune dans laquelle ils emploient le mode « dialogue » pour qu’on leur trouve aujourd’hui toutes les qualités alors qu’on traitait, il y a quelques semaines, de fauteurs de troubles, de commanditaires directs d’actes de violence dans la capitale et à l’intérieur du pays. Depuis la publication de cette tribune dont très peu de « commentateurs » ou « d’analystes » ont réellement compris le sens, les superlatifs fusent de partout. Par des déclarations très officielles, on loue leur sens civique, leur esprit patriotique et républicain. Ils sont subitement présentés comme des colombes.

C’est comme si l’on avait oublié toutes les graves fautes pénales qui leur sont reprochées, dès qu’ils ont exprimé ce que certains considèrent comme leur disposition à aller à un dialogue que bon nombre de Guinéens appellent de tous leurs vœux, mais dont beaucoup ignorent encore l’objet.

Il est vrai qu’il y a eu des violences post-électorales qui se sont soldées par des destructions et des pertes en vies humaines. Mais les poursuites judiciaires ont été sélectives. Et on semble être plus préoccupé à exploiter cette situation pour régler des comptes et à s’en servir comme moyen de pression qu’à rendre justice véritablement. C’est pour cette raison que beaucoup ont soutenu et soutiennent encore que cette affaire est tout simplement politique. Et quand un problème est politique, sa solution ne peut être que politique.

En attendant, pour des motifs politiques, des pères de familles sont privés de liberté depuis des mois et deviennent, en quelque sorte, des monnaies d’échange entre l’opposition dite radicale et le pouvoir.

Avec Maître Mohamed Traoré

Ancien Bâtonnier