Malgré l’adoption de la Loi L002 portant Liberté de la presse en Guinée, la dépénalisation des délits de presse reste toujours un débat entre hommes de médias et ceux du monde de la justice. Alors que les premiers soutiennent mordicus que cette loi spéciale exclut la détention provisoire du journaleux, les seconds défendent bec et ongles le contraire. Ce 17 juin à la Maison de la paresse sise à Kipé, une formation a été organisée à l’intention d’un groupe de journaleux. Objectif, bavarder autour des dispositions pénales contenues dans  la loi sur la liberté de la presse et les interprétations qui aboutissent souvent à des incompréhensions entre journaleux et hommes en robe. Et les dégâts sont relancés. «Nous sommes là pour échanger avec vous sur cette problématique qui nous intéresse tous et essayer de lever certains équivoques», clame à l’entame Mamadou Dian Wora Diallo, formateur et avocat général près la Cour d’appel de Cona-cris.

Chaque fois qu’un journaliste ou une autre personne fait face à la justice pour un délit de presse, ce sont des controverses qui sortent, parce que tout le monde n’a pas la même vision de la L002 sur la liberté de la presse. Moult interprétations sont données, le plus souvent en galvaudant la loi. Mais Sydy Souleymane N’diaye, pro-crieur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn est formel : un journaleux peut bel et bien aller en prison pour un délit de presse : «Il ne me paraît pas convenable de parler de dépénalisation de la loi sur la liberté de la presse. Cette loi, bien que spéciale, fait partie du corpus pénal guinéen. La L002, bien qu’excluant toute peine d’emprisonnement, n’en comporte pas moins des peines d’amendes. L’amende est une peine, mais pécuniaire. C’est donc par abus de langage que certains s’avancent à dire qu’elle est dépénalisée». Ce n’est pas la loi qui est dépénalisée, ce sont les délits de presse, murmure un participant. Mais Sydy Yala N’diaye cite, pour preuves, les tires 10 et 11 de la loi qui traitent spécifiquement des dispositions pénales. Il a disserté : «Elles commencent par l‘article 98 qui est une disposition centrale. Pratiquement, toutes les dispositions pénales renvoient à l’article 98. C’est lui qui définit le cadre infractionnel… Il y a les dispositions pénales de fond (de l’article 98 à l’article 122) et celles de forme (article 123 à article 140). L’article 132 est très clair, la loi a prévu qu’une personne qui a commis un délit par voie de presse peut être détenue, en attendant le jugement. Les juges ne commettent aucun abus en le faisant. Une personne poursuivie pour délit peut être incarcérée, en attendant le jugement. Nous n’avons rien inventé par rapport à certains qui ont été l’objet de détention provisoire. Lorsque des crimes contre la sûreté intérieure, des crimes de guerre, les crimes et délits de collaboration avec l’ennemi… (article 100), la provocation à la diffamation, à la discrimination, à la haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine… (article 103), l’offense au Chef de l’Etat (article 105), l’auteur peut être préventivement détenu». Le débat sur la dépénalisation des délits de presse en Guinée est apparemment loin d’être clos.

Yacine Diallo